A la Chenaie, le 10 mai 1822.
Je suis bien touché, mon excellente amie, de tout ce que vous me dites d'aimable et de tendre; mais combien ne le suis-je point aussi de l'affliction profonde où je vous vois! Prenez sur vous, regardez en haut, raffermissez votre âme en considérant que si Dieu vous éprouve, c'est dans sa bonté, c'est parce qu'il vous aime. Nous ne voyons que la terre; lui voit plus loin ; il dispose toutes choses pour achever en nous l'œuvre du salut, pour nous conduire au bonheur qu'il réserve à ses saints, et quand nous gémissons, c'est souvent de ses miséricordes même. Allez à lui en esprit de foi, de soumission, d'amour, avec ce plein abandon qui dès ici-bas produit la paix, et dont une paix plus douce encore, une paix éternelle est la récompense. Nous avons Murinais depuis dimanche, et nous attendons mardi l'abbé Le Tourneur. Mon frère prolonge ici son séjour pour le voir. Nous allâmes avant-hier à Trémigon avec M. de la Bellière. Son cheval et celui de mon frère sautent l'un sur l'autre. Mon frère veut descendre, il est renversé. Les chevaux se cabrent et se battent sur lui. Il sort de là par miracle, sans blessure ni contusion. En tombant il s'était recommandé à la sainte Vierge.
Murinais me charge de le rappeler à votre souvenir à toutes. Il se rend aujourd'hui chez son oncle de Saint-Sauveur, d'où il reviendra ici lundi matin. Il paraît se plaire à la Chenaie, et noMS nous plaisons beaucoup avec lui. Il est toujours également bon, également aimable, également ennemi du bruit, de la gêne et de la société. Il s'ennuie extrêmement à Rennes; sa mère seule l'y retient. Il regrette tout ce que nous regrettons, et que nous ne cesserons jamais de regretter.
Mille amitiés les plus tendres à nos deux amies et à Mlle Constance, si elle est, comme je l'espère, encore près de vous. Ne m'oubliez pas près de M. Carissan et de M. Weld. J'embrasse nos petites filles. Donnez-moi de vos nouvelles, ma bien bonne amie, et soyez sûre que personne n'est plus à vous, du fond du cœur, que votre pauvre ami,
F.