A la Chenaie, le 23 mai 1822.
Je prends une part bien vive à toutes vos peines, mon excellente amie. Celui qui vous les envoie y joindra la force pour les supporter et l'onction qui les adoucit. Abaissez-vous avec paix sous la croix qu'il vous impose. Votre retraite au Calvaire a dû vous inspirer le désir d'être de plus en plus conforme à J. C. ; elle a dû vous donner le goût de cette voie douloureuse, qu'il a parcourue lui-même avant nous, et où il a laissé une si vive impression de grâce. Je crains pour vous la solitude où vous allez vous trouver. Pourquoi ne viendriez-vous pas avec vos deux compagnes? Ce serait au moins une distraction, et vous en avez besoin. Pensez-y, et regardez bien si vous pourrez porter seule le poids de tant de souvenirs tristes et de pensées amères. J'ai eu ici quelques jours le bon abbé Le Tourneur. Il est reparti presque aussitôt après être arrivé. Ce m'a été un grand plaisir et une douce- consolation de le revoir. Il m'a presque promis de revenir pour plus longtemps vers la fin de l'été. Qu'il serait doux de se retrouver encore une fois tous ensemble sur cette pauvre terre! mais sur cela, comme sur tout le reste, il ne faut vouloir que ce que Dieu voudra. Dites mille et mille choses, toutes les plus tendres que vous pourrez trouver, à nos si bonnes amies. Je prie pour elles et pour vous; priez aussi pour moi. Il n'y a que deux heures que je suis ici, et j'ai dix lettres à écrire ; c'est pourquoi je finis en vous embrassant, vous et vos amies, et vos chères petites, de toute la tendresse de mon cœur.