1827-06-27, de Félicité de Lamennais à Mademoiselle Cornulier de Lucinière.

Vous vous justifiez si bien, mon excellente amie, qu'il n'y a pas moyen de ne pas faire la paix ; mais je vous déclare qu'elle ne tiendra pas, si je suis trop longtemps sans recevoir de vos nouvelles : il faut absolument que je sache comment vous vous portez toutes et tous. Je ne suis point tranquille sur la bonne Villiers, ni sur Adèle. J'espère qu'à l'arrivée d'Angélique, que mon frère aura le plaisir de voir ces jours-ci il Saint-Brieuc, vous vous partagerez la peine, le travail, le soin, comme vous voudrez l'appeler, de la correspondance avec la Chenaie. Je suis très-fâché du départ d'Antoinette ; ce sera une grande privation pour vous. Mais, en vérité, tout le monde part. Mon frère partit hier aussi. Je ne le reverrai qu'au mois de septembre, car je ne compte pas deux jours qu'il m'a promis en juillet. Ses établissements l'occupent tout entier, et grâce à Dieu, ils vont à merveille. Voilà M. Frayssinous et ses amis qui attaquent la Société Catholique, la seule œuvre qu'on ait opposée à la propagation des mauvais livres, et l'une de celles qui faisaient le plus de bien. Que dites-vous de cela? Ce zèle est-il selon voire cœur? Il y a des scandales que Dieu permet ; mais que le châtiment en sera terrible ! On vous aura conté tous les détails, qui font trembler pour l'avenir. Ce que vous me mandez du pauvre L. fait grand'pitié. Il est maintenant aux eaux avec la famille de S. Ces braves gens ont de lui les soins les plus touchants, mais je doute qu'ils parviennent à guérir sa tête. Je ne connais que vous qui pourriez entreprendre, avec apparence de succès, la restauration de cette sagesse délabrée. Elle ressemble à ma santé qui ne se rétablit point. J'allai ces jours derniers, avec mon frère, à Ploudihen. En y arrivant, je me trouvai mal et très-mal. Les forces me manquent tout à fait. Cela me dérange bien pour mon travail. La volonté de Dieu!

Voyez-vous comme mes bras s'étendent, s'étendent; c'est pour vous embrasser tous ensemble, y compris mon cher abbé Carissan et ma chère petite Hélène. Priez pour moi ; je suis tout à vous du fond de mon cœur.