de  Forget, Joséphine de à  Delacroix, Eugène.

Je t’envoie, mon ami, les deux fichus que tu m’as demandés, et en même temps, je veux t’exprimer combien j’ai été heureuse hier ! Je t’en conjure, ami, n’oublions pas notre amour, et ayons quelquefois de ces moments de bonheur qui nous consolent de tous nos ennuis, de tous nos chagrins. Quant à moi, je ne vis que par toi, que pour toi, et tout le reste m’est bien indifférent !… Je t’ai quitté hier si émotionnée que j’ai eu de la peine à retrouver mon chemin et une place de fiacre. Cependant, rassure-toi, je suis rentrée à 6 heures, et j’ai été le soir chez Mme Vieillard, où j’aurais bien voulu te voir : il y avait peu de monde, et par conséquent moins d’ennuyeux que les autres jours. Mme Riesener avait fait dire le matin à Mme Vieillard qu’elle ne pouvait venir, parce que son mari était fort pressé pour son tableau, et qu’il était même obligé de travailler le soir.

Je crains, mon ami, d’être obligée de sortir samedi, mais alors, je te verrais le dimanche, je t’écrirai pour cela samedi. As-tu pensé un peu à moi hier soir ? Mon souvenir te restera dans ta petite chambre, ce qui te la fera aimer davantage.

Adieu, ami, je t’embrasse et te serre sur mon cœur, en pensant à notre amour !

Ta Consuelo 1