1778-02-15, de Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu à Voltaire [François Marie Arouet].

Ceux qui ne Vous cognoissent que par Vos ouvrages mon cher Voltair, acourent de bien loin pour vous chercher et ce trouve bien heureux de vous trouver.
Coment pouroit il donc vous passer dans la teste qu'un home qui Vous cognoist et Vous aime depuits soixante ans puisse cesser de Vous aimer et de vous désirer? Mais vous voyés une paille dans mon oeïll pendant que vous avés une poutre dans le Vostre dont vous ne vous apercevés pas. J'ai pu négliger une réponce au milieu de toutes sortes d'affaires importune pendant mon année d'exercice, je pouroits si je me croyoits dans le cas de m'excuser, vous dire avec Vérité que j'ai comencé et jeté deux foits des letres pour vous que j'ai jeté au feu, mais quand vous prenés le ton de reproches pour ce que vous pouriés apeler en d'autres circonstance oubli vous oublïes touts ceux que je vous ai fait avec tant de raison. Pour tout ce que l'on pouroit apeler plus que négligence et dont je Vous ai paru si peiné pour les atentions que vous aviés pour tant de gens de toutes espèces aux quelles vous envoyés touts vos ouvrages avec une exactitude qui a l'air de la plus grande atention et amitié quoique vous deviés estre bien sûre qu'aucun ne vous aime autant que moy et que la peine que je vous ai si souvent rebatu que j'en avoits m'afligeoits. Vous ne m'y avés jamais répondu que des pantalonades et parlé de mes plaisanteries. J'ai aprits par le public et touts les comédiens que vous leurs aviés envoyé deux tragédie que vous Veniés de faire, et même qu'il s'y étoit élevé des tracasseries où j'auroits pu estre utile et c'est dans ce moment là que vous me faite des reproches de ne vous avoir pas répondu. Mais mon cher Voltair je vais répondre à celle ci avec vivacité pour la dernière foits sur touts vos torts où l'abitude n'a pu rien diminuer de mon mécontentement, mais qu'il est impossible à mon coeur de ce détacher de la tendresse invétérée qu'il conservera pour Vous tant qu'il existera et qui est plus forte que votre insensibilité. Que je serois inconsolable, si je croyois mourir sans vous voir et que je vous aime et aimeré toujours au dessus de tout ce que je puits vous admirer et reprocher.