1776-05-13, de Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu à Voltaire [François Marie Arouet].

Je ne suis point surprits mon cher Voltair de vous voir prendre intérest à mon procest avec l'amitié que vous me devés assurément par toute celle que j'ai pour vous depuits soixante ans et qui ne c'est jamais démentie ni ne ce démentira jamais.
Si vous étiés sur lyeux vous veriès peutestre diférament que vous ne pouvés faire à cent cinquante lieux. Il paroist si simple de juger si des billets sont vraiment de la main d'un home Vivant et dont l'écriture est si cognue que l'on ne peut comprendre coment une telle décision peut durer deux an à estre prononcée. Je me suis piqué de ne vouloir pas que persone sollicitast pour moy ni qu'il y ut aucun air d'esprit dans mes mémoire. Le per qui a paru étoit come je le vouloits et avoit éclairé les plus prévenus parce que la curiosité de tout le monde éguisée par la singularité de l'affaire l'emporta sur le peu d'agrément qu'il y avoit à sa lecture, et tout le monde fut convaincu de la Vérité parce que Ces cabales n'avoient pas encore eu le tems de ce former ni penser mêmes quelles pussent l'estre comme elles l'ont été depuits. Coment pouvés espérer que des juges qui après avoir opiné come des énergumènes, quand d'autres opinent diférament disent en bourdonant, cependant il a été la bayonete au bout du fusill chasser la cour des aïdes de son tribunal et le parlement de Bordaux du sien, son adverse partie est la fame d'un de nos confrère respectables et plusieurs d'entre ceux là intriguent et ce démènent come pour une conjuration, à la diférence que les conjurés contre quellque chose de la [? société] ce cache par la peur d'estre surprits et que ceux ci ne craignent rien, ceci est devenu une affaire de parti et ce qu'il y a d'étonant c'est qu'il ce soit trouvé assés de magistrats courageux pour tenir teste, à tant d'autres ocupés et soutenus par tant de subtilités, de chicanes et de mensonges impudents. Ce que je Vients de Vous dire qu'ils ne rougissoient point de dire en opinant (chose bien extraordinaire) et les magistrats dont je vous parle ne peuvent assés mériter de louanges de la part de touts les gens qui font cas de la patrie et de la vérité. Toute la grande chambre en est au st Fargeau près et le pt de Gourgue et deux autres entrainés. Vous avés vu du tems de Lasse, sur tout et pendant la régence la situation des esprits. Ceux qui ont été ataché au feu Roy ont bien plus à soufrir encore desorte qu'il n'y a d'espérance que dedans le tems et la légèreté des François qui poura apaisée la chaleur des ferluquets parlementaires et doner plus de force encore à la Vérité. Voilà ce qui fait mon cher Voltair qu'il faudroit quell qun qui ut assés d'esprit pour n'en avoir que pour metre les faits didactiquement serés d'une façon claire et précise. Mais je ne crois pas que ce soit dans le tribunal de l'enciclopédie séant à Paris que je puisse trouver cett home là. Si vous avés vu ma requeste en conclusions, vous avés dû en estre content, du moins parmi les juges et le public je n'ai vu qu'un avis sur cela. Il est survenu depuits tant de mensonge où il a falu répondre que cela a composé beaucoup plus d'écriture qu'il n'en faut pour lasser les juges et le public, et metre même l'un et l'autre dans l'impossibilité d'aranger tant de faits, desorte que je suis dans la détermination de ne faire plus qu'un seul mémoire pour tout quand l'afaire sera en état de pouvoir estre jugée.

Vous vous excusé fort mal de Votre oubli pour moy dans la distributions de vos grâces mais come je m'en suis plein si souvent et si infructueusement que j'ai prits mon parti sur cela come sur celui de vous aimer bien tendrement.