ce 16 aoust [1743]
Malgré les houssarts autrichiens mon cher Voltair j'espère que cette letre poura vous parvenir en droiture, car les postes sont libres en Allemagne, et je vaits chercher une voye plus courte que le détour de Paris que vous me proposés.
Je craints d'ailleurs que me du Chatelet ne me boude depuits les compliments que je lui ai fait sur sa liaison avec Faquinet et tout ce qu'elle en devoit atendre.
Je suis bien fâché du méprits où vous dite que nos bévues ont mits, notre ministère, mais je n'en suis pas surprits, quelqu'ataché que je suis au roy et à toutes ces pensée je ne puits m'empêcher de sentir intérieurement que je choisiroits d'autres ministres et l'on pense cela dans les pays étrangers, de telle sorte que cela ennorgueillit nos ennemis et atiédit nos amis. Si le roy de Prusse vous en parle ainssi qu'il fait à tout le monde, j'aurai grande opinion de votre crédit auprès de lui et de votre éloquence si vous le persuadés. On vous a ménagé un bon second dans la personne du conte de la Marque et l'on est persuadé que son phlegme tempérera votre vivacité, c'est ainssi que les bons chimistes savent faire usage des acides et des alcalis, et les apotiquaire en travaillant devienent chimiste. Voilà le portrait de nos gens. Vous avés pendant ce tems là, la piere philosophale des négotiations qui est l'esprit, la cognoissance des home, un peu de celle des pays étrangers et baucoup, du coeur du roy de Prusse, projetés y donc des sentiments multipliés au centuples pour notre bonheur, le sien, et la tranquillité de l'Europe.
Je voudroits pouvoir vous doner de très bonnes nouvelles de ce pays ci, je suis persuadé que cela contribueroit baucoup à ce que nous désirons. Nous avons de la Vigueur dans l'esprit mais il faut avouer que nos troupes sont mal dissiplinée et que nous avons de plats oficiers généraux, malgré cela je doute que nos ennemis puissent rien faire cette année, la saison est bien avancée pour que les Anglois joints aux Holandois puissent rien faire sur nos frontières de la Moselle et de Flandres. Le p. Charle en aura encore daventage à passer le Rhin pour aler en Loraine où il a tant d'envie d'aler. Nous alons même dans peu de jours travailler à lui doner de l'inquiétude et à ne pas atendre de pied ferme celle qu'il voudroit nous doner, dumoins je l'espère et le souhaite encore daventage, et si nous avons cett hiver devant nous et que le roy Vienne come il paroist le Vouloir, je vous garantits que nos troupes seront aussi bonnes qu'elles ont jamais été dans les tems les plus florissants. Les révolutions se font viste dans nos teste, voilà à quoi les étrangers ne peuvent s'acoutumer.
Je ne suis point du tout de votre avis et ne pense pas que les Anglois s'ennuyent à ce point du fardeau de la guere et s'afoiblisse au point de faire la paix sans un dédomagement pour la reine d'Hongrie ou la destruction de notre comerce qui seroit bien pire, le ministère anglois seroit perdu, et la nation même y metra plustost jusqu'à son dernier sol. Je suis persuadé aussi que le parti anglois prévaudra toujours en Holande sur le parti pacifique, le roy de Prusse peut faire tout changer et c'est ma foy lui qui tient la balance de l'Europe. C'est glorieux pour lui et c'est flateur pour ceux qui en sont aimés et peuvent contribuer à faire tourner cette main importante. Adieu cher Voltair, je trouve vos letres bien courtes, je vous done l'exemple du contraire, écrivés moy par où vous voulès mais écrivés moy.