ce per d'aoust 1767
Ce pays de Foix n'est pas de mon gouvernt mon cher Voltair, il est du gouvernemt particulier dont mr de Segur est gouverneur et dans le quel en son absence mr de Gudane comende.
J'ai reçu presque à la foits vos troits letres dans l'une desquells étoit le panégerique de la Baumelle. Il est fort singulier après tout ce que Vous en dite que l'on s'en tiene aux menaces. Je dirai sur cela ce que Charle second di à Londre d'un home qui étoit au pilori pour avoir mal parlé de ses ministre. Si la Baumelle avoit dit les mêmes choses d'un conseiller au parlement qu'il a dit du feu Roy, il seroit au pilori aussi, mais come vous dite que tout est bien vous ne pouvés vous dispenser de dire la même chose dans cette ocasion, et celle des protestants de st Foy acusés d'avoir composé une troupe de cent persone, pouraler causer avec le curé qui n'aimant pas la conversation sauta par la fenestre et ce sauva, le parlement informé, et je puits assurer avec Vérité que ce parlement ne pense point du tout come celui de Toulouse pour les protestants mais s'il voyoit quellque chose qui ne fût pas si bien que ce que la Baumelle a fait il pouroit estre fort brutal.
Je conte aler à Paris à la fin de ce mois ou au comencement de l'autre et ne soufrirai point qu'à la comédie on estropie vos enfants, mais vous les faites changer si souvent de nourice que quellque foits on ne les recognoist plus.
La première éducation que j'avoits doné à Gallien étoit celle qu'il convenoit pour en faire un secrétaire à quoi sa facilité de tout aprendre, et une sorte d'esprit que l'on entrevoyoit autravers de toutes les étourdries que l'on pardone aisément à la grande jeunesse et qui ne m'en fit pas désespérer jusqu'à certaines aventure pour les quelles il fut près de deux ans en retraite, après quoi la peur qu'il ne ce dérangeast de nouvau ches moy et ses fautes trop fraisches pour paroistre et rester au milieu de touts mes gens qui en avoient été témoins, je prits le parti de chercher quuellque séminaire capable, de lui former l'esprit, le coeur et le stile. Je vous l'ofrits, vous Vouluste bien pendant un tems le protéger, je voits avec peine que vous ne l'en trouvés plus digne et je l'abandone de ce jour là. C'étoit le perdre pour toujours que de le perdre de Vue un instant, son caractère, sa sorte d'esprit, ses inclinations, tout ne pouvoit ce changer que par une abitude de travaill assomant qui pust étandre à la longue son imagination fougueuse et substituer à ces mauvaises inclinations les bones que l'abitude des choses qui fairoit et entendroit pouroit tourner en seconde nature mais sans cela c'est un enfant perdu indubitablement. Je l'ai craint dès le moment où vous m'avés parlé de ses viscites dans votre voisinage. Je voits qu'il est aprésent à Geneve plus que chés vous et que le libertinage de son esprit et de son coeur l'emporte plus que jamais et qu'il n'y a aucune ressource. La seule qu'il pouvoit trouver s'il lui étoit resté quellques sentiments d'honeur et réflexions pour tâcher d'efacer le souvenir de sa conduite passée étoit de mériter vos bontés, tâcher de profiter des rayons de lumière que vous auries pu lui faire apersevoir et estre plus cela le plus empressé et assidus de vos Valets de chambre ou souts secrétaire. Il ne sera jamais qu'un fat à ce que je voits. Je craints seulement que sa fin ne soit tragique, et je ne puits m'empêcher d'en estre afligé par le reste d'intérest que je ne puits m'empêcher de prendre encore à lui après avoir élevé son enfance jusqu'à présent et n'avoir rien oublié de tout ce qui pouvoit en faire quellque chose de bon même après avoir vu tout ce qu'il avoit de mauvais. Quelle fortune n'étoitce pas pour lui d'estre à portée de mériter vos bontés! Renvoyé le à ses parents, avencés lui si vous voulés une dousaine de louis que je vous faire tenir sur le champ, placés le quellque part si vous pouvés et avés pitié jusque là et pendant quellque tems. Je lui faire tenir par vous des bagatelle de tems en tems mais je n'en veux plus entendre parler puisqu'il a si mal profité auprès de vous du bonheur qu'il avoit eu d'y pouvoir estre placé. Adressé votre réponse chés moy à Paris d'où on me la faira tenir ici si je puits l'y recevoir, et mendés moy de vos nouvelles sur tout. On dit que vous avés fait un romain intitulé l'ingenu. Tout le monde pense que je doits savoir de vos nouvelles plustost qu'un autre et l'on ne peut persuader que je suis toujours le dernier.