aux Délices 26 juin [1756]
Vous ne savez ce que vous dites, mon cher et ancien ami, et vous faittes toujours quelque quiproquo.
Vous vous imaginez d'abord qu'il est question d'un intérest d'argent pour vous, quand je vous mande que, si vous laissez subsister la note sur Baile, elle poura faire tort à l'éditeur. Il était bien question de cela! Vous allez vous plaindre à mr Dargental que j'ay supposé que Lambert vous faisait un présent! Quel présent pouvait il vous faire pour une telle bagatelle?
Et quand je vous écris que vous n'avez pas entendu le passage de ma lettre, vous me répondez comme si je vous avais écrit que vous n'entendiez pas un passage de mon ouvrage. Ayez donc un peu plus d'attention, et des idées plus nettes.
Songez bien que je vous demande si Lambert compte ajouter des pièces fugitives que je n'ay point, à celles que les Crammer ont imprimées. Songez que je vous demande si vous en avez quelques unes. Songez qu'en ce cas, il il devrait attendre, et faire à loisir une édition complette à la quelle vous présideriez. En ce cas vous devriez venir aux Délices, et vous ne vous en repentiriez pas. Vous seriez en quatre jours à Lyon, je vous adresserais à mr Tronchin, le banquier, qui vous fournirait une voiture et nous causerions. Il y a une histoire générale qui pourait mériter vos soins, etc.
Je vous répète que je sçais à n'en pouvoir douter que la Baumelle est l'auteur du citoien de Montmartre, et qu'il l'avait communiqué à Fréron.
Vous avoüez donc enfin que cet homme qui cherchait à imiter Tacite n'a imité que Gacon. Plus vous avez avancé dans la lecture de ses infâmes rapsodies plus vous avez dû être indigné. On n'a jamais écrit plus insolemment tant de mensonges et ces mensonges sont d'autant plus dangereux qu'ils sont souvent mélez avec la vérité. Un mot de madame de Maintenon luy sert de canevas pour cent impostures. On a mis au pilori des hommes bien moins coupables.
J'ay lu les mémoires de Dangeau dont vous me parlez. Il n'y a pas quatre pages à extraire.
J'ay baucoup retouché le siècle de Louis 14. Il terminera l'histoire générale, et j'espère qu'un jour je ferai aimer la vérité.
Je vous embrasse.
V.