aux Délices 16 juin [1756]
Je ne suis pas étonné qu'on dévore ce ramas d'anecdotes où parmi quelques véritez indiférentes tirées des mémoires de Dangeau, d'Hebert etc., tout fourmille de faussetez, de contradictions et d'impostures: le mensonge n'a jamais parlé avec tant d'impudence.
Cela est fait pour être lu des ignorants oisifs, méprisé des sages et pour indigner les gens en place.
De quel front ce malheureux ose t'il assurer que monseignrépousa melle Chouin, et que me de Berry se maria au comte de Riom? Quand on avance de tels faits il faut avoir ses garands. Il était réservé à ce siècle qu'un gredin parlât de la cour comme s'il y avait joué un rôle.
Il prend la peine de combattre de temps en temps le siècle de Louis 14 et il porte la démence jusqu'à citer des passages qui n'y ont jamais été.
Je suis bien aise que ce soit un pareil coquin qui ait écrit contre vous. Il se dit citoien de Montmartre. Il mérite d'être citoien d'une chiourme.
Que comptez vous faire mon ancien ami de l'édition de mes bagatelles? Vous devriez bien venir voir l'auteur, et joindre votre portefeuille au mien. Nous pourions faire quelque chose ensemble. Les Crammer ne se repentent pas de leur édition quoy qu'il y en ait tant d'autres. Ils l'ont presque toutte débitée en trois semaines. Je ne m'y attendais pas. L'histoire générale mérite un peu plus d'attention. On y joint le siècle de Louis 14 avec des additions et des notes qui seront assez curieuses. Vous ne nuiriez pas à cet ouvrage. Nous le reverrions ensemble. Mes nièces auraient soin de vous rendre votre séjour aux Delices digne du nom que ma maison ose porter. J'y jouis de la paix. J'y travaille à loisir. Ce sont là les vraies Délices. Je serais trop heureux si j'avais de la santé et l'ami Tiriot Vale.
P. S. La lettre à monsieur le maréchal de Richelieu n'était pas assurément pour le public. Je ne l'ay communiquée à personne. S'il a fait voir mes proféties, il les accomplira.
V.