1765-02-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Mayeul Chaudon.

Le septuagénaire de Ferney doit, monsieur, une réponse à votre lettre ingénieuse et pleine de raisons séduisantes. Une fluxion sur les yeux et son âge ne lui permettent pas toujours de s'acquitter de ses devoirs aussi promptement qu'il le désirerait.

Si vous joignez à mes doutes sur le testament politique de Richelieu, 1. que le manuscrit de cet ouvrage n'a jamais été vu ni par ses héritiers, ni par les ministres qui lui succédèrent; 2. qu'il fut mis sous presse trente ans après sa mort, sans avoir été connu auparavant; 3. que le style est différent de celui des autres écrits du cardinal; 4. que l'ouvrage fourmille d'idées et expressions peu convenables à un grand ministre qui parle à un grand roi; 5. que l'éditeur ou le faussaire lui fait signer son nom d'une manière qu'il n'employa jamais; 6. que cet éditeur ne dit ni de qui il tient le manuscrit, ni en quelles mains il avait été déposé, vous aurez quelques soupçons sur son authenticité.

L'ouvrage paraît plutôt la production d'un politique oisif, que d'un ministre vieilli dans les grandes affaires. En le relisant avec attention, vous finirez par penser comme moi sur un livre très médiocre, qu'on a voulu accréditer par un nom illustre.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, etc., etc.