1768-06-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Dominique Louis Ethis de Corny.

Je suis obligé monsieur de vous informer que deux ou trois moines défroqués qui sont en Hollande impriment continuellement des livres contre notre sainte relligion.
Ils ont l'impudence de faire quelquefois vendre sous mon nom ces livres dangereux. Je sçais qu'on en a fait passer quelques exemplaires en franche comté. Quoy qu'il soit aussi ridicule qu'injuste d'attribuer ces sottises à un vieillard de soixante et quinze ans, uniquement occupé de faire quelque bien dans ses terres, cependant mon respect pour l'église, et tous les motifs d'un bon citoien me forcent de prévenir cette calomnie toutte méprisable qu'elle est. Je ne puis mieux m'adresser qu'à un homme aussi pénétré que vous de tous ses devoirs, et qui étant en place est plus à portée que personne de faire taire la calomnie. Je vous supplie monsieur de vouloir bien détromper non seulement vos amis mais les personnes qui ajouteraient quelque foy à ces impostures et à qui vous seriez à portée de parler. J'ose même vous prier d'engager Monsieur de Lanoir à me rendre le même service et la même justice. Je me recommande à vos bontés et aux siennes. J'ay l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire