1769-07-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Voicy, ma chère nièce, une seconde Lettre que j'écris au mercure.
L'accusation me parait si absurde que je ne crois pas devoir la traitter trop sérieusement. J'ai lu dans l'ouvrage qu'on m'impute deux ou trois chapitres qui ne peuvent être tirés que d'un greffe poudreux où je n'ai certainement jamais mis les pieds. Plusieurs personnes attribuent cet ouvrage à La Beaumelle. Il est vrai que c'est son stile, mais Dieu me garde d'accuser jamais personne, ni même de laisser le moindre soupçon sur mon ennemi quand je n'ai pas de preuve. Tout ce que je sais c'est que l'ouvrage a été imprimé en Hollande, et je vous ai mandé que mr Marin m'en avait instruit. Je ne doute pas que les personnes qui aiment la vérité et qui s'intéressent à moi, ne fassent taire la calomnie; leur voix sera plus écoutée que la mienne, mais je ne garderai pas le silence. Je vais écrire même à mr Le maréchal de Richelieu.

Cette ridicule avanture vient très mal à propos pour les Guebres. Ma plus grande consolation est dans la vivacité avec laquelle vous prenez cette affaire. Je suis persuadé que vous, vos parents et vos amis vous détromperez eux qui se plaisent à être les échos de l'imposture. J'en ai essuié beaucoup dont je me suis moqué, mais celle cy m'afflige. Il faut attendre un mois pour que les journaux parlent, et pendant ce tems là les bruits redoublent.

Je n'aurai mr le marquis de Jaucourt que vers le 15.

Vous pouvez m'écrire, ma chère nièce, sous l'envelope de mr Lavergne.

Je vous embrasse tendrement. Je suis pénétré de vôtre amitié.