1756-07-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Henri de Fuzée de Voisenon.

Vraiment notre grand aumônier c'est bien à un vieux Suisse de faire des épitalames!

Vous êtes prêtre de Cithere,
Consacrez, bénissez, chantez
Tous les nœuds, touttes les bautez
De la maison de la Valiere.
Mais tapi dans vos voluptez
Vous ne songez qu'à votre affaire.
Vous passez les nuits et les jours
Avec votre grosse bergère,
Et les légitimes amours
Ne sont pas votre ministère.

Madame Denis l'helvétique se souvient toujours de vous avec grand plaisir comme elle le doit. J'ay icy une paire de nièces fort aimables qui égaient ma retraitte. Mon lac n'a point de vapeurs quoy que vous en disiez. J'en ay quelquefois mon cher abbé, mais si vous étiez jamais capable de venir consulter mr Tronchin, quand vous serez bien épuisé, ce ne serait pas à luy, ce serait à vous que je devrais ma santé, car guaité vaut mieux que médecine. Il est doux d'être retiré du monde mais encor plus doux de vous voir.

Vous avez fait mon cher abbé une action de bon citoien de recomander au prône d'un avocat général les infamies de la Baumelle. Ce parlement a tant grélé sur le persil qu'il ne faut plus qu'il grêle. Un censure de ces messieurs fait seulement acheter un livre. Les libraires devraient les payer pour faire brûler tout ce qu'on imprime. Le public a plus de besoin de gens éclairez qui fassent voir les grossières impostures dont le livre de la Baumelle est plein, mais il est bien honteux qu'un tel homme ait trouvé de la protection. Adieu très aimable et très indigne prêtre. Aiez toujours assez de vertu pour aimer les pauvres Suisses qui vous aiment de tout leur cœur.

V.