18 may [1772]

Mon cher ange le jeune avocat du Roncel a non seulement renoncé aux âmes de fer et à son crédit, mais il a changé entièrement la troisième partie de son plaidoier et plusieurs paragrafes dans les autres.

Vous avez la bonté de nous mander que M. le Duc de Duras daigne s’intéresser à cette petite affaire, et qu’il doit la recomander au magistrat dont elle dépend. Si ce magistrat est monsieur le chancelier, sachez enfin qu’il la connait déjà, et qu’il y a plus d’un mois que le plaidoier de du Roncel est entre ses mains par une avanture très bizare et très ridicule. Il n’en a dit mot, ni moi non plus. L’avocat n’a point paru. J’ay dû ignorer tout. Je me suis renfermé dans mon honnête silence. Il ne m’apartient pas de me mêler des affaires du barrau. On jugera bien cette cause sans moy. Mais M. le Duc de Richelieu m’inquiète: j’ay lieu de croire qu’il est fâché qu’on se soit adressé à d’autres qu’à lui. Nous tâcherons de l’appaiser.

On a suivi entièrement le conseil de l’ange très sage, dans la petite réponse à m^r le Roy. Point d’injure; baucoup d’ironie et de guaité. Les injures révoltent; l’ironie fait rentrer les gens en eux mêmes, la guaité désarme.

La Condamine n’aurait pas tant de tort. Comptons

les soldats de Corbulon	30
la Baumelle et compagnie	5
Clement et compagnie	15
Freron et compie	20
l’escadron volant	30
	total 100

Les quels font au parterre une trouppe formidable soutenue de quatre mille hippocrites.

Que faut il opposer à cette armée? force bons vers, et force bons acteurs. Mais où les trouver?

Je me flatte que l’autre Teucer sera agissant dans les derniers actes comme le mien.

Je commence à croire qu’il y aura un long congrès à Yassi, car ma colonie y envoie des montres avec des quadrants à la turque.

Je plains ce galant Danois, c’était l’amour médecin, et après tout ny Astolphe ni Joconde ne firent couper le cou aux amants de leurs femmes.

Je baise humblement les ailes de mes anges.

V.