9e mai 1772
Si jamais il était question de jouer la pièce de l’avocat du Roncel, en ce cas notre avocat se mettrait aux pieds de mes anges; il ferait parler ainsi le roi Teucer au premier acte à la première scène.
Je pleure encore sa perte; un coup aussi cruelSaignera pour jamais dans ce cœur paternel.J’ai dans les champs d’honneur immolé mes victimes.Le meurtre et le carnage alors sont légitimes;Nul ne m’enseignera ce que ce bras vengeurDevait à ma famille, à l’état, à mon cœur.Mais l’autel ruisselant du sang d’une étrangèreRendra-t-il une fille à son malheureux père?&c.
Le même Teucer dirait dans le même acte à la seconde scène:
Et pourquoi dans Minos voulez vous révérerCe que dans Busiris on vous voit abhorrer?Oui, j’estime en Minos le guerrier politiqueMais je déteste en lui le maître tyrannique.Il obtint dans la Crête un absolu pouvoir,Je suis moins roi que lui, mais je crois mieux valoir.A mes yeux, en un mot, votre offrande est un crime,à DictimeViens, suis moi.PHARES
Qu’aux autels on traîne la victime.TEUCER
Vous osez! . . . .&c.
J’ai demandé à mon jeune du Roncel pourquoi il ne corrigeait pas tant d’autres petits endroits. Il m’a répondu que l’esprit soufflait où il voulait.
Mr de Thibouville ne m’a pas écrit un seul mot en faveur de du Roncel; je ne sais ce qu’il fait ni où il est. N’est il point à Neuilly? Mais que deviendra la Crête? Que ferez vous d’Astérie et de son petit sauvage? Pensez vous, mes chers anges, avoir fait une bonne action en me calomniant, en me faisant passer pour l’auteur, et notre avocat pour mon prête nom? Ne voyez vous pas déjà tous les Pharés du monde s’unir pour m’excommunier, et la pièce défendue et honnie? Comment vous tirerez vous de ce bourbier?
Je suis persuadé que la paix entre Catherine et Moustapha est plus difficile à faire. Vous sentez de plus combien un certain doyen sera piqué de n’avoir pas été dans la confidence; combien ses mécontentements vont redoubler. Il trouvera la pièce scandaleuse, impertinente, ridicule. Voyez quel remède vous pouvez apporter à ce mal presque irréparable, et qui n’est pas encore ce qu’il y a de plus terrible dans l’affaire de ce pauvre du Roncel. Pour moi je n’y sais d’autre emplâtre que de me confier au doyen. Après quoi il faudra dans l’occasion me confier aussi au chancelier; car vous frémiriez si je vous disais ce qui est arrivé. Allez, allez, vous devez avoir sur les bras la plus terrible négociation que jamais envoyé de Parme ait eu à ménager.
Quoi qu’il en soit je baise les ailes de mes anges. Je les prie de s’amuser gaiement de tout cela. Avec le tems, on vient à bout de tout, ou du moins de rire de tout.
Le roi de Prusse trouve les Pélopides une très bonne pièce très bien écrite. Il dit expressément que celle de Crebillon est d’un Ostrogot. L’impératrice de Russie me demandait il n’y a pas longtemps, si Crebillon avait écrit dans la même langue que moi.