1739-01-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Ange gardien,

Vous devez avoir le nouvau mémoire, la lettre pour mr le chancelier, celle pour mr Daguessau L'avocat général.
Je vous ay envoyé la lettre de madame de Berniere, je vous soumets toute ma conduite.

J'imagine qu'il seroit bon que madame de Berniere m'écrivit un mot plus simple, plus modéré, qui attestast en général, l'horreur des calomnies du libelle. Je luy en envoye un petit modèle.

Je vous suplie d'en exiger autant de Tiriot. Sa conduitte est insuportable, il négocie avec Cirey, il s'avise de faire le politique. Il doit savoir qu'en pareil cas la politique est un crime. Il a passé près d'un mois sans m'écrire. Enfin il a fait soupçonner qu'il me trahissoit. S'il veut réparer tout cela par un écrit plein de tendresse et de force dans le pour et contre à la bonne heure; mais qu'il ne s'avise pas de parler du préservatif. On ne luy demande pas son avis; et s'il parle de moy il faut qu'il en parle avec reconnaissance, attachement, estime, ou qu'il se taise et surtout qu'il ne commette point madame Duchastelet. Qu'il imprime ou non, cette lettre dans le pr et contre, il est essentiel qu'il m'envoye un mot conçu en ces termes, Le sr Tiriot ayant lu le libelle intitulé la Voltairomanie, dans lequel on avance qu'il désavoue mr de Volt, et dans lequel on trouve un tissu de calomnies atroces est obligé de déclarer sur son honneur, que tout ce qui est avancé sur le comte de mr de V et sur le sien est la plus punissable imposture, qu'il a été témoin oculaire de tout le contraire pendant 25 ans, et qu'il rend ce témoignage à l'estime, à l'amitié et à la reconnaissance qu'il doit à- fait à- Tiriot.

S'il refuse cela, indigne de vivre. S'il le fait, je pardonne.

Je vous prie de recomander à mon neveu de faire un bon procez verbal si faire se peut, cela peut servir et ne peut nuire; cela tient le crime en respect, prévient la riposte, finit tout. Ah ma tragédie, ma tragédie, quand te commencerai je? Mon ange eripe me a faece. Je n'ay recours qu'à vous.

V.