ce 20 [February 1739]
Cher ange, voicy une troisième fournée; j'ay presque prévenu ou suivi tous vos avis.
Je vous demande en grâce de soufrir le mémoire à peu près tel qu'il est, je n'ay plus de temps, je suis au désespoir de le consumer à ces horreurs nécessaires. Au nom de dieu présentez le bien transcrit à mr l'avocat général, je vais en envoyer un double à mr de Frene, un à mr Dargenson, un à mr de Maurepas, un à Tiriot même, à mr Heraut. S'il y a quelque chose à corriger pour l'impression je le corrigerai.
La lettre au père Tournemine est essentielle. Helvetius raisonne en jeune philosophe hardy qui n'a point tâté du malheur, et moy en homme qui ay tout à craindre. Les esprits forts me protégeront à souper, mais les dévots me feront brûler.
Mon cher et respectable amy, faites faire des copies du mémoire. Je vous en conjure n'épargnez aucuns frais, l'abbé Moussinot a l'argent tout prest, mon neveu est à vos ordres. Trouvez vous des longueurs, élaguez, disposez, mais présenter le mémoire est une chose indispensable.
Que j'ay d'envie de me mettre tout de bon à ma tragédie et de noyer dans les larmes du parterre le souvenir des crimes de Desfontaines! Faites un peu sentir à mr l'avocat général l'allégorie de Pluton et du juge Sizame, et du procureur général des enfers, alors mr Daguessau.
Adieu, je baise vos deux ailes et me mets à l'ombre d'icelles.