ce 22 [février 1739]

Je ne perds point de vue du tout la juste réparation que je suis en droit d'exiger de ce malheureux abbé Desfontaines.

M. le chancelier, m^r Dargenson, m^r Heraut, ont conclu qu'il falloit l'assigner au tribunal de la commission de M. Heraut.

M^r de Maurepas et m^r Heraut m'ont fait l'honneur sur cela de m'écrire.

J'ay eu l'honneur de leur répondre, que je ne souhaitois en mon particulier qu'un désaveu des calomnies aussi autentique que les calomnies mêmes;

que D'ailleurs je n'empêchois point qu'une requête signée de plusieurs gens de lettres, et avec la signature d'un procureur, fût présentée juridiquement, que sur cette requête m^r Heraut pouvoit agir, et déployer sa justice, qu'ensuite mes parents interviendroient;

que s'il étoit nécessaire je ferois présenter la requête en mon nom, mais qu'alors m^r Heraut seroit peutêtre obligé de m'assigner pour être ouï, qu'en ce cas, ma santé ne me permettant pas d'aller à Paris ny de me transporter, il faudroit qu'un juge voisin vînt recevoir mes dépositions à Cirey, ce qui peut être est difficile à obtenir;

qu'enfin je m'en raportois uniquement à m^r Heraut.

Voylà où en est l'affaire. Si m^rs Andry et Procope etc. qui ont déjà signé une requête inutile, en veulent signer aujourduy une nécessaire, c'est un point capital, et que je suplie M^r Moussinot et m^r Begon de presser et de faire réussir.

Le tribunal de m. Heraut m'est plus avantageux que celuy du Chastelet

1º par ce qu'il n'y a point d'apel,

2º par ce qu'il est plus expéditif,

3º qu'il n'y aura point de factums,

4º que je n'ay point à y craindre de dénonciations étrangères au sujet,

5º que m^rs d'Aguessau, m^r de Maurepas, m^r Dargenson, m^r de Mainieres, baufrère de m^r Heraut, me protégeant ouvertement, m. le cardinal désirant surtout la punition de Desf. et en ayant parlé à m^r Heraut, ce seroit me manquer à moy même de ne pas profiter de tant de circonstances heureuses,

6º par ce qu'il n'y a aucune preuve contre moy; et que les preuves fourmillent contre l'abbé Desfontaines, apuyées de l'horreur publique.

Doncil faut presser l'affaire auprès de m. Heraut, faire présenter une requête signée par deux personnes, le chevalier de Mouhi en fût il une, et sur le champ une requête signée par m^r Mignot, m^r de Montigni, et m^e de Chambonin, mes parents.

Je vous dis, je vous certifie que sur ces requêtes préliminaires, m^r Heraut est obligé d'agir d'office; qu'alors il doit procéder contre Desfontaines, Chaubert etc. non seulement pour avoir débité des calomnies, mais pour avoir imprimé sans permission. C'est là une matière très criminelle dont m^r Heraut connaît expressément.

Je vous répons en ce cas de la punition de Desfontaines.

Présentez donc sur le champ une requête au nom de Mouhi, Procope, Latour Serrand.

Que m^r Mignot et m^r Montigni et m^e Chambonin en signent aussi une. Encor une fois le moindre ressort mettra en mouvement cette machine. Ne perdez pas un moment, il y a un mois que cela devroit être fait.

Surtout ne laissez pas dépérir les preuves, que les noms de ceux qui ont acheté le livre chez Chaubert et Merigot soient présentez à m^r Heraut. Comptez que cela sera très sommaire, et qu'on aura bonne justice. Mais je vous en conjure agissez sans perdre un instant. Il faut savoir surtout si c'est comme lieutenant de police ou comme commissaire du conseil que m^r Heraut agit.