ce 12 [février 1739]
Mon cher abbé quand toute cette affaire de Desf., dont j'auray je croi raison, sera finie, je vous parleray d'affaire.
En attendant, je vous réitère ce que je vous manday par ma dernière, qu'il faut suspendre le procez et conserver les preuves.
Je vous aprends que Mrs Dargenson, conseillers d'état, dont l'un est à la tête de la littérature, sont nos protecteurs dans cette affaire; que mr l'avocat général, fils de mr Daguesseau, s'intéresse pour moy auprès de son père; que Mr le chancelier a déjà commencé même à agir.
Mais voicy ce qu'il faut faire pour consommer l'ouvrage. Il faut vous joindre à mr Mignot, à mr de Montigni, à me de Chambonin, amener avec vous le gendre de votre frère, qui déposera avoir acheté le libelle chez Chaubert. Il faut vous dire mon parent, comme me de Chambonin, aller tous à l'audiance de mr le chancelier, et le remercier en général de la justice qu'il me rendra. Rien ne fait un si grand effet que ces apparitions de famille sur l'esprit d'un juge bien disposé. N'épargnons point les frais, envoyez savoir le jour de l'audiance; allez prendre en carosse de remise, me de Chambonin à l'hôtel Modene, rue du Coulombier, ou servez vous du sien; écrivez luy un billet la veille ou l'avant veille pour savoir son heure; écrivez de même à mon neveu Mignot, rue Clocheperce, chez mr de Montigni; engagez le à y mener son cousin; il faut remuer les hommes; il faut les exciter.
Encore une fois, cette démarche réussira. Je vous prie de la regarder comme une chose essentielle.
Je ne m'endors pas, et j'espère que j'auray justice. Souvenez vous et faites souvenir madame de Chambonin et mon neveu que l'abbé D. F. a avoué à mr Heraut qu'il étoit l'auteur du libelle.
Je songe encor qu'il sera très bon que Tiriot vienne avec vous chez mr le chancelier pour confirmer par son témoignage ses anciennes lettres, par les quelles il demeure constant que l'abbé Desfontaines fit contre moy un libelle au sortir de Bissetre.
Envoyez cela je vous prie au père Brumoy au collège des jésuites.