1739-01-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher amy, je travaille le jour à Zulime, et le soir je revois mon petit procez avec l'honnête homme Desfontaines.

Vous savez de quoy il est question àprésent. Vous avez vu ma lettre à mr Heraut. Il n'y a plus qu'un mot qui serve mr de Maynieres, peut il vous dire tout net ce que j'ay à espérer de mr Heraut? Un outrage pareil toléré par la magistrature est un affront éternel aux belles lettres; une réparation convenable feroit honeur au ministère.

Encor une fois je n'ay rien à craindre si mr Heraut me favorise, les calomnies de Desf. sont prouvées papier sur table. Le préservatif ne peut m'être imputé. J'ay preuve par écrit qu'il n'est pas de moy. L'épitre sur l'envie est imprimée avec aprobation; personne n'y est nommé. Qu'il me donne comme auteur des lettres ph. je défie Satan d'en donner des preuves, je défie Belsebut d'en donner (car comment me prouver ce que je n'ay point fait?) Sur L'Epitre à Uranie, J'affronterois le tribunal de Minos.

Pourvu que mr Heraut ne me fasse point venir à Paris et qu'un juge de Vassy ou de Chaumon soit délégué pour recevoir mes réponses, attendu ma maladie, je suis content.

Je vous prie seulement de mander sur le champ par un Savoyard à Begon, ou à Moussinot, si je dois me désister dans les 24 heures pour faire agir sans frais le procureur du roy; quand je dis moy, je dis moy ou ceux qui présenteront requête; car si requête n'est présentée au nom de Procope, ou d'Andry, ou au nom de mes parents, je veux qu'elle le soit en mon nom. Oh parbleu j'en auray raison ou j'y brûleray mes livres. Adieu cher ange de Voltaire et de Zulime.

Mille tendres remercimens à mr de Pondevel.