1773-02-04, de Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu à Voltaire [François Marie Arouet].

Je Vients mon cher Voltair de recevoir votre letre sans date qui répont au rendés vous que je vous demendoits à Lyon et votre réponce me fait un double plaisir que je ne vous puits vous exprimer.
Tâchés de vous tranquiliser sur la crainte du tort que peut vous faire qui dans touts les genres que vous imaginés ne vous en a fait aucun. Vos amis à ce que je voits vous avoient mendé ce qu'ils désiroient plustost que ce qu'ils croyoient et ce que vous désirés come moy n'étoit point dans l'état que vous imaginés. Je ne pense qu'à cela. Ne désespérés pas duvivant de Caton. Je vous en dire daventage dans le tems, et votre tignasse couverte d'un chapeau ou d'un bonet fouré renfermera également un Visage que j'embrassera (quoique fort deséché) avec plus de plaisir que celui de melle Rocou qui plus potlé sans estre aussi jolie que melle Desmars ni bien d'autres qui le sont moins. Elle prétent avoir son pucelage malgré votre calomnie du Banquier Genevois dont elle a pleuré amèrement car je m'acuse d'estre cause qu'elle l'a aprits par une imprudence de ma part qui est impardonable. Elle avoit diné dans une maison où j'arive, mr de Chimesne qui y étoit et lisoit votre petit ouvrage nouvau (au moins pour come tout ce que vous faite l'est encore quand tout les autres le savent par coeur), ce petit ouvrage engagea la conversation sur vous et alors, elle deviene intarissable. On me parla de la pénultième letre que vous m'avés écrit. Je dits que je l'avois dans ma poche, je lui done à lire oubliant l'histoire du banquier. Il la lit tout du long, c'est à dire je le pousse quand il n'en étoit et le mot lasché atira quellque larmes mais l'état de misère où elle paroist doit prouver aux chalants qu'il faut que le banquier soit bien pauvre, bien ladre ou l'histoire bien fausse. Je lui fits ce dilesme qui la consola.

Je ne penseroits pas que l'on dût reculer les représentations de Minos si elle devoit y jouer, mais ce qui devroit plustost y faire, quellque chose seroit l'impression très déplacée que l'on dit que vous même avés fait faire, cela oste la curiosité et done le tems aux ennemis de tout de faire les critique, les divulguer et les persuader. Aussi si c'est vous c'est à vous qu'il faut s'en prendre.

J'ai lu votre Sophonisbe qui doit je croits réussir. J'y trouve deux ou troits petite à acomoder seulement et que je croits même si aisée que je m'en remetre à la conversation le livre à la main et dont je ne vous fatiguere pas ici.

Je ne suis point surprits que votre horloger ne soit pas plus payé de les autre. Mr de Duras ni moy n'i pouvons rien, mais ce que je puits très aisément c'est d'achever de ruiner votre horloger s'il me veut fournir beaucoup de ses montres, pour le mariage de m. le Ct Dartoist. Vous me mendrés sur cela ce que vous penserés et estre persuadé que par amitié pour vous il n'y a rien que je ne fasse même de vous faire rire quand nous nous reverons. Je vous avertire à tems de tout ce que vous aurés à faire. Portés vous bien, seulement voilà une gelée si forte que nous aurons tems à tout arenger. Fiés vous à mon zèle mais que celui point à la confiance que vous avés dans vos soixante et quinse confident n'aille pas je vous conjure jusqu'à vous faire parler de l'idée de ce voyage, car vous estes aussi capable de gaster les meilleurs affaire, come de faire ce que personne ne faira jamais après vous, mais ce que je faits mieux que persone c'est de vous aimer.