ce 12 juillet 1773
Je sere fort aise mon cher Voltair que vous m’enuoyés votre Sophonisbe imprimée car elle me sera beaucoup plus aisée à lire, mais je sere très fâché que le public la partage avec moy avant qu’elle soit représentée, c’est en oster la fleur et la faire critiquer de même.
Je ne sai qui vous a mis dans la teste cette nouvelle fantaisie, j’ai vu combien ça a mal réussi à Minos qui dans ses loix auroit sûrement défendu exprement que l’on imprimast les nouvelles pièces de théâtre avant qu’elles y eussent paru et c’est ce qui me fait condessendre à l’envie que vous aués aujourdui de faire passer Sophonisbe la père et s’il étoit possible d’obtenir quellque chose de vous dans ce genre là, je vous demendroits auec les plus vives instances, de ne point faire paroistre cette impression qu’après la père représentation, mais je suis sûr que si vous m’acordiés ce que je vous demende ce ne seroit qu’avec la restriction d’en envoyer des exemplaires à une Vintaine de vos amis intimes et c’est ce que je Vous demendroits avec bien plus d’instances encore de vouloir bien retrancher. Je pense que si vous avés adhéré aux représentations que je vous ai fait sur la fin du cinquième acte, cette pièce aura beaucoup de succès et dès que je l’auré je la fairé metre à l’étude.
La Borde ne vous a rien dit de trop je vous assure et cela me conserve de grandes espérance de lever les obstacles que vous ne sauriés imaginés.
Je remarque en relisant votre letre que vous parlés seulement de mes réflexions sur la fin du quatrième acte de Sophonisbe que je n’ai point oublié mais il me semble que vous avés oublié vous même ce que je vous ai mendé du dénouement où vous faite come madame Damis qui dansoit bien mais qui tournoit trop court et je vous demende un pas et un coupe encore à cette fin. J’atents cela avec la plus grande impatiente. Vous fairiés fort bien de m’envoyer touts Vos exemplaire sans exeption et estre sûr que je n’en enverois qu’à le Kain avec ordre d’aprendre son Rosle, mais que toutes les letres de changes que vous pouriés tirer sur moy vous pouroient aquiter vers vos apostres et corespondants mais seroient protestée à me brouller même avec Dargental plustost dans lascher aucun, quand aura publié ceux de Minos nous nous en souviendrons. Parlons seulement à ce moment de l’autre.
C’est toujours très bien fait d’estre insolent avec les fames et come cela vous est plus aisé de loin que de près vous avés fait merveilles de profiter de vos aventages. Je voudriés fort pourtant que vous puissiés estre aportée de recevoir un souflet et de pouvoir vous faire mille embrassades.