Il y avoit plus de huit jours, mon cher Voltair que j'avoits lu la letre que vous m'envoyés mais je n'en suis pas moins sensible aux marques de votre souvenir d'autant plus que je n'y suis pas acoutumé, dans le genre d'atention de vos ouvrages, que je n'ai jamais eu de la p^ére main, quoique tout ce qui vient de vous ou y ait Raport me touche sûrement plus sensiblement que persone.
Je lis actuelement le comentaire historique sur vos oeuvres où je retrouve tant de choses qui m'en rapelent de si agréables, d'autres qui m'ont fait poufer de rire et enfin toujours vous par tout. L'encens même que vous répendés à pleine main me paroist d'une si bone odeur, que l'on ne peut s'empescher de l'admirer. Cependant je dois vous dire que l'on dit que Dargental a écrit à m^r Turgot àpropos de cela qu'il vous avoit toujours doné pour un bon coeur mais non pas p^r un bon nés. Je m'imagine que c'étoit une réponce sur quellque comentaire disgracié et que vous aviés lieu d'aimer sans avoir lieu de juger ses opérations generale, ni l'acabie de son esprit. Je ne sai si acabie d'esprit est bien dit, mais je me pique de penser mieux que bien dire. Depuits que j'ai perdu l'école des mots, devenu séminaire de l'enciclopédie, je ne m'y présente p[lus]. Je n'y serois pas mieux reçu que le père Quenel, ne l'auroit été au colège des jesuites du tems qu'ils existoient, de façon que je n'avoits pas entendu lire votre letre mais je ne l'avoits pas moins eue par le public.

J'ai été dans les plus grandes inquiétude de m^e de s^t Julien d'autant que Vous ne sauriés croire la peine que j'ai eu à en avoir des nouvelles envoyant chés elle et dans touts les endroits où j'auroits dû en avoir et dans ce moment où j'ai lieu de croire qu'elle est guérie je ne sai où elle est, ainsi ce sera peutestre par vous que j'en auré des nouvelles si vous me continués les marques de votre souvenir et de votre amitié qui m'est bien chère je vous jure mon cher Voltair.

à Paris ce 6 octobre 1776