La protase de votre dernière Letre mon cher Voltair m’arachoit des larmes, l’épitase les a prontement suspendue et la péripétie m’a fait poufer de rire.
Je croyoits que la strangurie dont vous me parlées prenoit à la gorge uniquement et vous pouvés vous ressouvenir que j’en ai tant eu que cela ne me paroissoit qu’une incomodité, mais j’aprents que c’est à votre vessie qu’elle s’est portée et vous savés bien que des Vessies ne sont pas des lanternes come disoit fort bien Nocé, et il faloit bien vous beigner pour vous faire pisser. Je suis médecin et me cognoits en Vessie come en lanternes et l’on a suivi les principes de l’art et les préceptes d’Hipocrate. D’ailleurs si la théologie défent un petit mal pour un grand bien il n’en est pas de même dans notre pratique ou nous somes obligés continuelement de petits maux pour de petits maux même, et qui ne peuvent ce guérir sans cela, après quoi on répare le tout avec du Régime. Je me flate donc que Vos fuseaux devenus colone ce borneront à vous faire apercevoir que cette forme étoit plus décente pour soutenir toute votre gloire, et qu’il vous sera utile que toutes vos humeurs ce soyent portée dans les régions. Si cela ce pouvoit tourner en goute vous seriés trop heureux dussiés vous soufrir et crier come un diable. Je passe ma Vie à m’entendre dire cela mais je ne le croits pas et ne vous souhaite pas un pareill remède. Je crois sérieusement que l’enflure de vos gambe n’est pas un mal si vous n’avés plus que celui et que vous pissiés à plein canal. Vous m’aurés fait le plus grand plaisir de me mender un peu plus de détaill de votre maladie. Vous devés avoir de bons médecins à Geneve et je désireroits une letre du vostre sur votre état où je ne voits rien d’efrayant sur ce que vous dite et l’atention qu’il ne vous empesche point d’avoir pour melle Rocou et Patras, est fort rassurante.
Je vous ai mendé que j’avoits la père petite letre que vous m’écriviés pour elle. Je chargé sur le champ mon fils de lui porter, parce qu’il en est fort amoureux et que cela pouroit estre agréable à touts deux. Je ne manquerés pas de lui faire voir encore votre inquiétude. Je n’en ai point sur ce qu’elle pense de l’étourderie de mr de Ximenes et de la miene. Si vous voulés elle ne compren pas que l’on puisse céder à autre chose qu’à une grande pation dont elle n’a d’idée que par la quantité de chose qu’elle a lu et c’est le seul cas où elle pût permetre à celui qui l’inspireroit de lui présenter des ofrandes utiles dont elle a le plus grand besoin, car elle est actuelement come le baron de Fenestre avec des habits superbes sans chemises ni chaussons. Me du Barri lui en a doné deux dont le per fut présenté de sa part par mon fils à qui elle fit la galanterie de le charger de choisir qui coûte sept mille huit cent livres et d’une très grande magnificence mais si dénué de Goust qu’elle c’est crue obligée de lui en doné un autre. Me la pesse de Bauvau lui en done un très beau, et me de Talmont une autre mais d’ailleurs elle n’a pas une robe de chambre suportable. Voilà l’état de notre héroïne.
J’ai signifié à touts vos començaux et à Dargental, le Zamor de la troupe, que je ne les écoutrés seulement pas sur ce qui vous regarde où rien ne seroit fait qu’après avoir reçu vos ordres directs. Vous croyés bien qu’après cela les loix de Minos ne paroitront que lorsque vous le voudrés. J’ai cru de bone foy que cette pièce avoit été imprimé à Lausane. L’imprimeur d’ici l’a dit à mr de Sarine qui en est persuadé, mais d’après ce que vous me mendés je vaits pousser à bout les éclaircissements et plus loin peutestre que vous ne voudrés si l’on trouve qu’éfectivement cela soit vrai. Je vous instruiré de tout mais je vous demende avec les plus vives instances de m’instruire de votre santé dans le plus grand détaill et si vous n’este pas toujours en volonté et en pouvoir de comparoitre à Lyon.
à Versailles ce dernier de février 1777 [1773]