1777-11-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Jean de Beauvoir, marquis de Chastellux.

J'ai donc l'honneur, Monsieur, de vous envoier mon petit programme suisse.
Si vous connaissez, et si vous protègez quelque jeune petit jurisconsulte qui ait de l'esprit, qui ne soit pas fâché de gagner cent Louis d'or, et qui aime à dire hardiment la vérité, vous contribuerez peut être à faire changer nos loix; vous aurez travaillé de toutes façons à la félicité publique.

Il y a un endroit dans lequel je ne parais pas assez respecter le sentiment de Mr Le chancelier d'Aguesseau. Je vous demande pardon si j'a tort, mais je compte sur vôtre suffrage si j'ai raison. C'est dans le chapitre affreux de la torture.

Vous daignez me parler d'ouvrages d'un autre genre qui ne conviennent pas plus à un homme de quatre vingt quatre ans que la correction du Code criminel ne convient à un poëte. Mais nous marions à Ferney Mr De Villette. Nous avons voulu célébrer sa conversion par quelques amusements. Les folies de nôtre petit théâtre ont percé jusqu'à Paris. Ce sont des amusements de campagne qui ne sont pas dignes assurément d'être connus à la ville.

Si jamais vous avez quelques ordres à me donner, je vous suplie de vouloir bien mettre un C et un S à la fin de vôtre Lettre; car vôtre écriture étant semblable à celle d'un homme qui m'écrit quelquefois et qui ne vous ressemble pas, j'ai été sur le point de faire une grosse bévue.

Conservez vos bontés, Monsieur, pour le vieux malade qui vous sera bien respectueusement dévoué jusqu'au dernier moment de sa vie.

V.