1777-08-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Madame,

La législatrice de la cinquième partie du globe me pardonnera sans doute mon empressement.
Il s'agit d'une entreprise qui devient chaque jour plus nécessaire que jamais. Il s'agit d'imiter votre majesté impériale.

Voici le programme de la république de Berne. Nous apprenons dans ce moment que l'inquisition des moines romains est rétablie en Espagne dans tout son pouvoir. Mr le comte d'Aranda dans le temps qu'il était premier ministre, avait fait défendre par un édit signé du roi, que le grand inquisiteur osât jamais faire arrêter un Espagnol de son autorité privée. Cet édit vient d'être révoqué. Le fameux livre de mr Beccaria, magistrat de Milan, sur les délits et les peines a été brûlé publiquement par le sacré bourreau de l'inquisition à Madrid. Il y aura bientôt un autodafé.

C'est donc dans le petit pays de ces bons Suisses qu'on propose un prix pour celui qui s'élèvera avec le plus de force contre ces loix absurdes et barbares, et qui s'approchera le plus de votre code humain, de ce code immortel comme vous. Ce furent autrefois ces braves Suisses qui commencèrent à démolir le vaste édifice de la tyrannie de Rome. Une société dont je suis, travaille à cette bonne œuvre. Elle invoque vos lois. Elle veut que toute la terre les adopte. Protégez nous, madame, régnez sur nous, et faites rougir l'Espagne.

Je ne me jette qu'aux pieds de votre majesté impériale.

Votre gouloup

V.