1767-05-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.
Un voiage en Asie, allez vous l'entreprendre
Belle et sublime Talestris?
Que ferez vous dans ce pays?
Vous n'y verrez point d'Alexandre.

Hélas votre majesté impériale ferait le tour du globe qu'elle ne rencontrerait guères de Rois dignes d'elle. Elle voiage comme Cerès la législatrice en fesant du bien au monde. Je ne sçais point la langue Russe, mais par la traduction que vous daignez m'envoyer je vois qu'elle a des inversions et des tours qui manquent à la nôtre. Je ne suis pas comme une dame de la cour de Versailles qui disait, c'est bien dommage que l'avanture de la tour de Babel ait produit la confusion des langues, sans cela tout le monde aurait toujours parlé français.

L'empereur de la Chine Camhi votre voisin demandait à un missionnaire si on pouvait faire des vers dans les langues de l'Europe. Il ne pouvait le croire.

Je remercie votre majesté de la bonté qu'elle a de daigner s'intéresser pour deux paquets envoiez de Suisse à l'académie œconomique. Ils sont de deux Français qui demeurent entre la franche comté et l'état de Berne.

Je reçois en ce moment une lettre de l'un d'eux. Elle m'aprend que la devise de l'un est ex tellura omnia, et celle de l'autre si populus dives, rex dives. Mais leur véritable devise est leur admiration pour votre personne. C'est assurément la mienne.

Que votre majesté impériale daigne agréer mes sentiments et le très profond respect de ce vieux suisse

Voltaire