1769-08-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Madame,

Le bon vieillard Siméon est au comble de ses vœux.
On m'apprend que votre majesté impériale a vaincu cinquante mille turbans auprès de Choczim, et qu'elle est triomphante de tous les côtés.

Je la supplie de me mander en quel endroit je dois venir mourir de joie à ses pieds. Est ce à Yassi, à Adrianople ou à Constantinople? Je ne peux aller à cheval, car je ne ressemble point au général Munich qui était excellent écuyer à quatre vingts ans passés, mais je viendrais en litière.

Comme le voyage est un peu long, je compte que votre majesté sera déjà dans l'Asie mineure et qu'elle aura poussé jusqu'à Alep quand je ne serai encore qu'à Scutari.

Je ne crois pas que le spirituel Moustapha persiste dans la politesse dont il a usé envers votre ministre et toute sa suite.

Je me flatte qu'il vous a déjà demandé très humblement pardon, et que votre majesté a corrigé pour jamais cette insolente nation; peut-être Moustapha est il lui même à présent dans une de ses sept tours.

Enfin, madame, vous seule avez vengé l'Europe, et c'est encore un de mes étonnements qu'aucun potentat ne saisisse une conjoncture si favorable pour avoir quelque part à votre gloire; au contraire, il semble qu'on en soit jaloux. Pour moi, madame, je serai jusqu'à mon dernier soupir votre vieux et inutile chevalier.

Que votre majesté impériale daigne agréer le respect profond, la reconnaissance et l'attachement de l'hermite de Ferney.

V.