1777-07-16, de Louise Suzanne Gallatin à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

Vôtre Altesse Sérénissime a eû tant de bontez pour moi Jusqu'à présent, que je suis extrêmement en peine de sa santé.
Voyant qu'elle ne m'a pas fait l'honneur de m'écrire. L'ayant prié instamment de me faire cette grâçe, Vous êtes trop bon Monseigneur pour ne me L'avoir pas accordé si vous n'étiez pas malade. Je vous çonjure à genoüil de me faire donner de vos nouvelles incessamment pour m'ôter la grande inquiétude oû je suis sur vôtre santé, je vous en aurois la plus grande obligation, et mr de Luchet qui garde aussi le silence, tout me fait craindre, Dieu veuille que je me trompe, et que mon très Cher Prince se porte bien. Vous m'avez accoutuméz Monseigneur à me donner de me donner de vos nouvelles, jugez (connoissant ma sensibilité sur tout ce qui vous touche) de mon inquiétude de n'avoir pas une ligne de réponse à deux lêttres, et si vous sachant aussi bon, je ne dois pas frémir, sur tout après les grandes maladies que vous avez essuiée les années précédentes. Au nom de dieu Monseigneur un mot pour me calmer, je vous en Conjure; Comme il ne faut pas vous ennuier de mes agitations plus long-tems je parlerois à Vôtre Altesse Sérénissime de L'Empereur, qui arriva ici dimanche 13e au soir à Sécheron n'ayant pas voulu entrer en ville parce que l'on lui dit à 2 Lieux d'ici que l'on se préparoit à le recevoir à Genêve, que l'on étoit sous les armes &c. Il refusa tout, même la visite du Premier sindic, mais très poliment. Toute la ville sorti pour le voir inutilement, il se tint enfermé, on ne pouvoit pas passer dans les chemins; Le Lendemain Lundi il prit un fiacre, entra à Genêve, allât voir la Bibliothèque, Liotard Le Peintre, mr le Proffesseur de Saussure, et une fabrique d'indienne, et le port, mais il y avoit une si grande affluance de monde qu'il s'en retourna Diner à Sécheron oû il resta tout le jour jusqu'à 6 heures du soir qu'il reprit un fiacre et allât à St Jean chez mr Constant, gendre de feu le Professeur Pictet que Vôtre Altesse Sérénissime Connoissoit de même que sa campagne. Ma fille s'i trouva étant allée dans l'espérance qu'il iroit voir cette Campagne. Elle se trouva seule sur la porte quand il arriva avec mr Constant. Il leur fit les complimens les plus honnette et donna la main à ma fille pour decendre un perron. Il y resta une heure èdemie avec mr, mad Constant, mad la générale Constant et ma fille. Il parroissoit à son aise parce qu'il n'y avoit personne, et leur parla baucoup, mais ceux qui cherchoit à le voir après avoir été partout pour le trouver arriverrent à St Jean, alors L'Empereur voyant ce monde s'en allât et dans ce moment j'arrivois avec mon mari pour aller chercher ma fille (qui est toujours malade). Je fus bien surprise de trouver l'empereur qui nous salüa et parti; on doit avoir dit à nôtre ami qu'il dineroit à Fernex, il avoit fait les préparatifs nécessaire pour le recevoir; oû je ne voulus pas aller, mais quand il passa à Fernex bien loing de voir nôtre ami il fit traverser ventre à terre, et fut à Versoix d'où il vint à Sécheron; je n'ay pas vû nôtre ami depuis, mais je ne doute pas que cela ne lui ay fait de la peine; il est parti hier au point du jour pour s'en retourner par la Suisse. Voilà Monseigneur tout ce que j'ay seu de cet Empereur. Mon dieu pourquoi n'est ce pas Monseigneur le landgrave qui ay fait ce voyage? N'en parlons plus, cela m'atriste, je n'en ay pas besoin; si je reçois de ses nouvelles je serois trop heureuse. Mon mari et ma fille prient Vôtre Altesse Sérénissime de recevoir leurs très profonds respects, et moi les sentimens les plus tendres et les plus vray avec le profond respect avec lequel je suis

Monseigneur

de Vôtre Altesse Sérénissime

La trés humble et trés obéissante et soumise servante

Gallatin née Vaudenet