Genêve ce 10e Janvier 1776
Monseigneur,
Dieu soit Loüé, Vôtre Altesse Sérénissime est enfin hors de tout Danger, Elle a la bonté de m'en assurer Elle même.
Que je serois heureuse quand je Verrois son Ecriture, Cela me prouvera que la foiblesse à passé. Cependant Mon Cher Prince il ne faut pas je Vous Conjure abuser de Vôtre bien être, il faut un grand ménagement et pendant un Certain tems User de régime, C'est la seule façon de reprendre Une santé forte. C'est d'après Mr Joly que je vous parle. Car Monseigneur Vous jugez bien qu'il a sçeu toutes mes Craintes sur Vôtre Etat, et que je le Consultois tout de suitte. Je me rassurois et sur Vôtre Dernierre lêttre et Celle de Mr Robert. Il Conclut que Vous n'aviez plus qu'un peu de ménagement à garder pour raffermir entierrement Une santé si préçieuse.
Enfin j'alois hier Voir nôtre ami que je trouvay très bien. Je lui fis lire Vôtre lêttre dont il fut si enchanté qu'il me dit, Je vais Remerçier moi Même Son Altesse Sérénissime. Quand il fut à L'article de mr de Luchet Il me dit, ‘Qui est-ce qui a dit à Monseigneur qu'il n'étoit pas versé dans la litérature? On s'est bien trompé. Je m'y connois un peu, j'ay vécu trois mois cet Eté avec lui, et j'en suis plus Content que je ne peus L'Exprimer, c'est un homme des plus doux, sans embission, et dont mon Prince Philosophe seroit sûrement Content. Je vais lui écrire ce que j'en sais, sans lui dire le vif intérêt que je prend à Lui, pour ne pas abuser des Bontez qu'il à pour moi, mais je dézirerois fort qu'il lui permis d'aller lui faire sa Cour, Un deux oû trois mois, et s'il ne Lui convenoit pas, Il a trop de tact pour ne pas prendre Congé Lui même de Son Altesse Sérénissime. Voyez Madame si vous voulez me faire le plaisir de lui demander la permission que mr De Luchet y aille passer 2 oû 3 mois’. Voilà Monseigneur, mot à mot ce que me dit nôtre ami. Il ajouta qu'il faloit vous envoyer de ses ouvrages et que vous décideriez mieux que personne de son savoir. Je lui dis qu'il valoit mieux lui envoyer ceux de son ami. Il fit le modeste et me dit, ‘Le 26 de février Prochain j'entre dans ma 83 année. Jugez Madame si à cet âge on peut Ecrire. Je n'ay que la nouvelle édition des Question sur L'enciclopédie, qui est augmenté de Chose que l'on n'a pas encore Vû. La Bonté de notre grand Prince pourroit la lui faire lire avec quelques plaisir. Il en auroit pour 6 semaine oû deux mois, mais je le répête je ne suis plus digne que l'on me lise.’ Enfin je l'ay pressé au point que j'aurois l'avantage de Vous l'envoyer incessamment. Il y a aussy un ouvrage sur les Chinois qui est sous la presse que j'y joindrois. Vous jugerez de l'esprit d'un homme de 82 ans.
Je trouvay Chez lui le sculpteur du Pape qui a été envoyé par dit-il des Cardinaux pour sculpter nôtre ami. Il a réussi au mieux, et L'emporte sur tout ce que l'on a fait jusqu'à présent. Il donne tout le feu qui est dans sa phisionomie, mais il n'en veut Laisser qu'un en Plâtre n'ayant pas la permission. Nous ne doutons pas qu'il ne soit venu par ordre du Pape; j'espère Monseigneur que Vous Voudrez bien me répondre si vous permêtrez à mr de Luchet d'aller vous faire sa cour quelques semeine. Notre ami Le souhaitte ardemment. Il est Certain qu'il a été malheureux, mais Il s'est borné à travaillé, et il est Estimé ici. Même si Vôtre Altesse Sérénissime lui permettoit d'aller à sa Cour, il employerois le tems qu'il ne lui seroit pas Utile à travaillé à ses journaux.
Ma fille est toujours malade, pour moi je ne me guerrirois sans doute que quand j'aurois le bonheur de Voir Vôtre Altesse Sérénissime. Dieu veuille que que je l'ay l'été prochain, ne m'ôté pas cette espérance et recevez je vous prie les sentimens tendre et le profond respect avec lequel je suis.
Monseigneur,
de Vôtre Altesse Sérénissime,
La très humble et trés obéissante servante
Gallatin née Vaudenet
Mon mari et ma fille prient Vôtre Altesse Sérénissime de recevoir leurs très profonds respects.