1775-12-16, de Louise Suzanne Gallatin à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

Sans une maladie Epidémique dont nous sommes tous ateins j'aurois eû l'honneur de répondre plustôt à Vôtre Altesse Sérénissime.
Cette maladie est la Grippe, qui prend par un mal de Gorge, de tête, de Reins et tout le Corps en soufrance. Il ne faut pas seigner. Ceux qui l'ont été ne s'en son pas sauvé. D'aillieur c'est un Rhûme inf. qui ne demande que du ménagement et de la diétte; cette maladie est à Marseille, Lyon, Berne et Genêve. J'espère qu'elle n'est pas du côté du nord et que vous ne la Connoissez pas. Ma fille en est encore bien malade, de même que moi, mais je ne suis pas au lit. Pour Elle [elle] soufre davantage. Je n'ay pas voulut attendre que je fusse entierrement Guérie pour Vous dire Monseigneur que Vos ordres seront exécutéz avec avec Exactitude. J'ay déjà parler et Chargé les personnes du Paÿs de me les tenir prêtes pour le Commencement du Printems. Tout partira bien Conditionnéz. J'espère que Vous en serez Content.

Je suis trés sensible à la part que vous prenez à mes maux qui finiront quand J'aurois le Bonheur de voir Mon trés Cher Prince. Dieu veuille que vos Voeux soient exauçez. Nôtre ami Le Désire ardamment. Il est bien à Présent. Il y a trois jours qu'il fut à Gex pour prendre des arrangemens avec la noblesse, le Clergé, et le tiers Etat, pour dédomager les fermiers Généraux de ce que l'on ôte tous les Bureaux et les Gardes de la Province de Gex, ce que nôtre ami avoit obtenu de mr Turgot. Il avoit avec lui 12 Dragons de Fernex, qui se tinrent sur la place devant la maison oû était l'assemblée bien empaqueté. Nôtre ami fit un beau discours et obtint par son Eloquence tout ce qu'il demandoit, alors il ouvrit la fenêtre et cria Liberté. Ces 12 Dragon suivent l'épée à la main pour célébrer nôtre ami, qui parti tout de suitte et fut de retour pour diner. En passant par 4 ou 5 vilage ont lui jétoit des laurier dans son Carosse, il en était couvert. Tous ses sujets se mirent en haye pour le recevoir et le saluèrent avec des Boëtes, pots à feu &c. Il étoit trés Content, et ne s'apercevoit pas qu'il avoit 82 ans. Je Vous dis Monseigneur tous ces détails sachant L'amitié que Vous avez pour lui, et croyant faire plaisir à Vôtre Altesse Sérénissime.

Nous n'avons point de nouvelles intéressante à vous mander, il n'est question que de grippe, il n'y a pas une maison qui en soit exempte.

Voici Un mémoire que j'envoye à Votre Altesse Sérénissime en ayant été priée par des amis, et moi connoissant La personne Personne qui le conçerne, Il n'y à rien de trop dans ce qu'on dit de lui. C'est un homme de baucoup d'esprit, et qui souhaitte de s'attacher à un Prince aussi Eclairé que Vôtre Altesse Sérénissime; je suis persuadée Monseigneur que vous en serez fort Content, et mr De Voltaire vous en rendras un bon témoignage si vous voulez le Consulter. Enfin mon Cher Prince Vous verrez ce qu'il vous plaira de faire. Je Vous demande seulement la Grâce quel parti que Vous pregniez là dessus de me répondre de façon que je puisse montrer Vôtre lêttre, et que l'on Voye que je m'y suis intéressée je Vous en serois trés obligée; il sait le Grec, le Latin, L'italien &c.

Vôtre Altesse Sérénissime ne m'a point dit si Elle avoit reçeu une lettre que j'adroissois à Paris à son ministre. Je Vous Conjure Monseigneur de me donner de vos nouvelles mais de ne pas retrancher le mot de bonne amie, comme dans la dernierre. J'en ay eû le coeur serré vivement. Mon Cher Prince ne m'aimeroit il plus? Que deviendrois-je si cela arrivoit? Je n'y veus point penser, Mon digne Prince est trop bon pour me mêtre en Désespoir. Je l'aime mille fois plus que moi même. C'est avec ses sentimens que je suis avec le plus profond respect

Monseigneur

De Vôtre Altesse sérénissime

La trés humble et trés obéissante servante

Gallatin née Vaudenet

Notre ami, mon mari et ma fille prient Vôtre Altesse Sérénissime de recevoir leurs très profond respect. . . .