1772-06-20, de Louise Suzanne Gallatin à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

Vôtre Altesse Sérénissime quoiqu’elle ne me dise rien de sa santé m’a ôté l’inquiétude oû j’étois par la lêttre dont Elle m’a honorée du deux de ce mois.
Je me flatois Monseigneur que j’aurois le bonheur de vous voir cet Eté, mais vous me parlé des Eaux de Geismar. En y allant ou en revenant Mon Cher Prince qui a tant de bontez ne pourroit-il pas donner la satisfaction à son ami, et son amie (Vous m’avez permis cette Expression) de les venir voir? Oû est Geissmar? J’ay oublié ma Géographie, en suis-je bien Eloignée? que ne puis-je y aller? Mais nôtre ami ne peut pas faire ce voyage; pourquoi y a-t’il tant d’inconvénients qui s’opposent à mon bonheur? Venez mon Cher Prince, venez rendre heureux vos deux amis, nous ferons l’impossible pour que vous ne vous repentiez pas de nous avoir accordé cette grâce. Nous sommes à vos genouils pour vous en suplier. Vous rajeunirez nôtre ami. Il étoit si persuadé, et il se flatoit si fort que vous viendrez cet Eté, que je n’ay pas encore osé lui lire vôtre lêttre dans la Crainte de L’afliger. Il se porte trés bien. Il fut il y a deux jours à La Comedie qui est à Chatelaine. On joüoit Nanine, les Commediens Annoncèrent notre ami, il y eut une si grande afluance de monde qu’il falut renvoyé plus de trois cent personnes. Ceux qui restèrent eurent de la peine à le voir, on avoit gazé sa Loge. Il fut Content des acteurs et il les a fait venir chez Lui pour leur donner des Leçons pour joüer Adelaïde du Guesclin, que l’on Jouera la semaine prochaine. Comme il ne s’est pas trouvé mal d’avoir été à Nanine, on espère de L’angager d’aller à Adelaïde du Guesclin, mais rien de sûr. Si Monseigneur le Landgrave y venoit j’aurois eû le plaisir d’aller avec eux, mais je n’iray pas malgré la loge grilliée ou gazé oû je serois. Nôtre ami me dit qu’il vouloit s’accoutumer a s’abillier pour quand son Altesse Sérénissime seroit ici. Voyez Monseigneur Combien le destin nous est Contraire. Il ne tient qu’à vous de le faire changer en nôtre faveur. Je sens bien que la bonne Compagnie qui ne vous quitte pas, ne vous engage pas à vous en séparer, cependant vous ne trouverez personne qui vous soit plus tendrement attachez que nôtre ami, et moi, vous en êtes bien sûr, et vous seriez bien le Maitre d’engager ceux qui sont autour de vous de vous accompagner, de voir nôtre Lac, nôtre ami, que l’on ne peut pas espérer de voir Longtems ayant 78 ans. Vous êtes trop humain Mon Cher Prince pour continüer de nous refuser le seul bonheur oû nous aspirons. Dieu veuille que mes voeux soient exauçez, alors je défie à tous d’être aussi heureuse que moi.

Mr Mallet vôtre Résident fit partir le 12 de ce mois vos deux jomar, je ne les ay pas vû, mais mes filles sont allé les voir chez Mr Mallet. Elles me dirent qu’ils étoient très beaux, et des yeux dont des dames se feroient honneur; a propos d’animal, je vous prie de me dire si le singe qui est né à Cassel a vécut.

J’en reviens à Geissmar. Mr Joly croyoit que les Eaux de Piremont vous Convenoit mieux que toutes les autres. Je vous conjure Monseigneur de me donner des nouvelles de votre santé. Cette pituite Continüe-t’elle? Vous savez Combien je m’interresse à cette santé si précieuse, en verité baucoup plus qu’à la mienne, rien n’est plus vray.

Enfin j’iray demain voir nôtre ami, et lui dirois ce que vous me mandé sur lui. Dieu sait que de choses il me dira pour Vôtre Altesse Sérénissime. Si je pouvois lui dire qu’il aura le bonheur de voir Mon Cher Prince, je suis Convaincüe Connoissant ses sentimens qu’il seroit au Comble de La joye. Monseigneur venez lui rendre des années, vous auriez du regret de le laisser mourir sans lui avoir donné la satisfaction de voir Vôtre Altesse Sérénissime. Pour moi si j’avois prévû de n’avoir pas ce bonheur, je crois que je serois partie avec les jomar. Oû est Geismar? quel est L’androit pour y aller le plus près de Genêve? Non, j’espère encore que Monseigneur Le Landgrave voudras voir notre ami. Dieu le veuille.

Nous avons ici une grande sécheresse.

Mon mari et mes filles en faisant mille remerciemens à Vôtre Altesse Sérénissime de ses bontez, la prie de recevoir leurs profonds respects. Je voudrois bien voir cette Chasse du Héron, ce n’est pas le Heron qui me fait faire ce souhait Vôtre Altesse Sérénissime en est bien Convaincüe, de même que de mes sentimens qui sont au delà de toute expression, et du profond respect avec lequel je suis

Monseigneur

De Vôtre Altesse Sérénissime

La trés humble et trés obeissante servante,

Gallatin née Vaudenet

Mr Mallet le professeur se rend-il digne des Bontez de Vôtre Altesse Sérénissime? Je l’espère, sans cela je ne m’interresserois plus à lui. Je me flate qu’il sent vos bontez.