1774-02-09, de Louise Suzanne Gallatin à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

J'aprend avec bien Du Chagrin par la lêttre dont Vôtre Altesse Sérénissime m'a honorée que vos maux de dents et la pituite Continue.
Pour les dents puisque vous ne pouvez vous résoudre à les arracher, il faudroit prendre de la teinture de mirhe. On trempe un peu de coton dedans et on le met sur la dent gâtée, un demi quart d'heure tous les matins, et cela pendant long-tems. Nous avons des exemples de plusieurs personnes qui en ont fait usage et qui n'ont plus ressenti de douleur, mais comme j'ay l'honneur de le Dire à Vôtre altesse Sérénissime il faut s'en servir tous les jours et pas plus d'un demi quart d'heure.

Voilà des vers de nôtre ami en réponse à une dame qui lui avoit marqué la surprise oû Elle étoit qu'à son âge il pût encore Ecrire de si jolie chose. J'ay crû faire plaisir à Vôtre altesse Sérénissime de les lui envoyer, mais ce n'est que l'ouvrage dont je vous parle dans ma lêttre qui n'est pas fini et où il travaille. Le titre c'est Le Teaureau Blanc. Dès que je l'aurois je le ferois partir tout de suitte. Il me paroit aussi par quelques mots que nôtre ami m'a caché qu'il est occuppé à célébrer son Prince Philosophe, sur sa bonté pour son amie. Je l'ay encore vû, il ne parle que de mon voyage, qui lui fait un si grand plaisir qu'il ne peut s'en taire. Il craint qu'il ne survienne quelqu'obstacle de ma part, car pour son Grand Prince il en est bien sûr. Il me rend bien peu de justice. J'ay une si Grande envie de voir Vôtre Altesse Sérénissime et de la remercier moi même de toutes ses bontez, qu'à présent je suis si décidée que je n'attend que vôtre réponse pour mêtre ordre à bien des choses qui ne roule que sur moi seule, et la permission à mr Mallet de nous accompagner ma fille et moi, mais je vous Conjure Monseigneur de garder le secret là dessus, ce qui est important pour moi ici.

Je reçois dans ce moment 6 volûme des ouvrages de notre ami in quarto, j'en ay déjà 24. Je vais lui Ecrire et bien L'assurer que rien ne me fera changer de résolution pour mon départ, ce qui lui fera plus de plaisir que tous les remerciemens possible. Je suplie Vôtre Altesse Sérénissime de me répondre incessamment par les raisons que j'ay eû l'honneur de lui dire, que je serois heureuse. Je pense nuit et jour à ce bonheur, mon mari assure que cela prolongera mes jours par le plaisir que je lui témoigne de la permission qu'il me donne. Il est bien afligé de ne pouvoir pas m'accompagner, pour aller au piéd de ce Grand Prince le remercier de tant de bontez dont il est Comme moi pénêtré. Il prient de même que ma fille Vôtre Altesse Sérénissime de recevoir leurs très profond respects.

Ce chagrin qui continüe m'aflige à un point inoüis, je crains qu'il n'inflüe sur Vôtre santé. Au nom de dieu Monseigneur ne vous y abandonné pas autant, je tremble que cela ne vous échauffe le sang. Est il Possible qu'un Prince qui rend heureux tout le monde, ne le soit pas lui même? Dieu veuille vous donner assez de force pour le supporter, servez vous Monseigneur de Vôtre Philosophie. Que ne puis-je aprendre que vous êtes tranquille, c'est les voeux les plus vif que je fais, vous en êtes bien sûr de même que des tendres sentimens et du profond respect avec lequel je suis

Monseigneur

De Vôtre Altesse Sérénissime

La très humble et trés obéissante servante

Gallatin née Vaudenet