Genêve ce 8e février 1774
Monseigneur,
Je ne puis Exprimer à Vôtre Altesse Sérénissime Combien je suis pénêtrée de ses bontez, je les sens aussi Vivement qu’il est possible.
Que je suis heureuse, je Verray donc ce Grand Prince, bonheur après lequel j’ay tant désiré de parvenir. Dieu Veuille que rien ne rompe ce voyage. Ce ne sera sûrement pas moi, mais la grande satisfaction que j’éprouve, me fais toujours craindre qu’il n’arrive quelqu’accidents imprévû. Je ne serois parfaittement tranquille que quand je serois en chemin, j’attend ce temps avec une impatience inoüie. Je serois Monseigneur sûrement prête à partir au commencement de juin et plus tôt s’il est nécessaire. Comme la seule chose qui me touche est de voir Vôtre Altesse Sérénissime, je vous prie de me mander dans quel temps vous serez à Geismar, afin que j’y arrive en même temps. Vous me demandé Monseigneur combien nous serons de personnes, moi, ma fille, ma femme de chambre et un Laquais, et mr Mallet et son Valet de Chambre; je suis si décidée à partir que s’il arrivoit (ce que je ne crois pas, ny Lui) qu’il arriva quelques chose à mr Mallet qui l’empêcha de venir soit maladie je prierois mr Gallatin, colonel D’infanterie en France, de m’accompagner. Ainsi jugéz Monseigneur de l’envie que j’ay de voir Vôtre Altesse Sérénissime, de lui témoigner de bouche ma reconnoissance, et mes sentimens, vous les Connoissez Monseigneur, ils sont toujours les mêmes, et ne changeront jamais, quoi qu’il arrive au monde.
Nôtre ami se porte très bien, il travaille toujours, il est extrêmement sensible aux bontez que vous avez pour Lui, il est à Vos pieds pour vous en remercier, il a eû l’honneur de vous Ecrire, il voudroit être plus vieux de 4 mois pour entendre son amie lui dire qu’elle a vû son Grand et Digne Prince Philosophe, Ah Madame souvenez vous bien de tout ce qu’il Vous dira, que je suis content n’étant pas moi même en état d’aller lui rendre mes respects que vous y aillé, Vôtre retour me mêtra du baume dans le sang quand je vous entendrois Dire, je l’ay vû, il m’a parlé de vous, comprenez Vous madame combien je suis heureux de toutes les marques d’amitié qu’il me témoigne, il m’aime, et m’aimera tant qu’il vivra. Qu’elle bonté, mais aussi qui mérite mieux ses sentimens que vous et moi par ceux que nous avons pour Lui? C’est cela un Prince, il sent le prix de L’amitié. Qui ne L’adoreroit pas? Partez Madame, Volé, Vous n’arriverez jamais aussi vitte que je le souhaitte, que rien ne vous retienne, plus d’obstacle, son Altesse Sérénissime les a tous levez. Mais, Lui Dis-je, croyez vous qu’il faille me presser pour faire La chose du monde qui me fait le plus de plaisir? Si ma fortune me L’avoit permis aurois-je attendu si Long-tems à me satisfaire en profitant de La bonté que son Altesse a eû de me le proposer précédamment? Dès qu’il a levé cette dificultee, m’avez vous vû hésiter un instant? n’aije pas demander à mon mari la permission de partir? quand je vous ay consulté n’étoit-ce pas par délicatesse dans la crainte où j’étois d’abuser des bontez de son Altesse Sérénissime? Dès que vous m’avez rassurée là dessus, m’avez vous vüe penser à autre chose qu’au bonheur dont j’allay joüir? Non Madame, vous avez agi comme une femme sensible qui aime tendrement, à qui rien ne Coûte pour le témoigner, mais aussi ne peux-je pas avoir des craintes à mon âge? savez vous que vôtre retour me rajeunira, vous me parlerez de la personne du monde la plus Chère. Madame Partez je vous en prie. Je ne pû m’empêcher de rire de son Empressement à me faire partir. Ho, dit-il, ce n’est pas tout, vous vous mêtrez au Genouil de Ce Digne Prince pour le prier de venir voir nôtre Lac. Je ne sais, ajouta-t’il, mais j’ay un pressentiment que ce voyage me rendrat si heureux que je vivray dix ans de plus. Enfin Monseigneur je ne finirois pas si je vous disois tout ce qu’il m’a dit, il étoit d’une Gayeté infinie. Je lui dis que j’étois scandalisée qu’il fût si Gay de ce que j’allay le quitter. Ma foi Madame il n’en sera n’y plus n’y moins, je ne peus aller, et vous êtes là dessus un autre moi même. Il continua sur le même ton. Ce qu’il y a de sûr Monseigneur c’est que je suis aussi gay que lui, et j’en ay plus de sujet. N’importe je penserois au bonheur qui m’atend, j’y pense nuit et jour. Ce qui m’aflige véritablement c’est ces maux de dents continüel. Ménagé vous Monseigneur Essayé Du remède que j’ay pris la liberté de Vous indiquer. Si vous trouvé la tinture de mirhe trop forte, mêlez y un peu d’eau ordinaire, servez vous en tous les jours un demi quart d’heure, vous verrez que vous serez soulagé. Dieu veuille que j’aprenne que Vôtre Altesse Sérénissime est mieux, je soufre de Vos soufrances; j’aurois eû l’honneur de répondre sur le champ à vôtre Altesse Sérénissime, mais ma fille a été malade je craignois une inflamation de poitrine et cela c’est décidé en un gros rhûme qui est sur sa fin. A présent je ne pense qu’à mon Voyage. Les Gens qui me voyent Gaye ne peuvent s’imaginer qu’elle en est la cause il la saurons à mon retour. Mon mari me fait tous les jours des leçons pour modérer ma joye craignant que L’on ne me devine, mais je sais Garder mon secret. Ce qui n’en est pas un pour Vôtre Altesse Sérénissime c’est le tendre attachement et le profond respect avec Lequel je suis
Monseigneur
De Vôtre Altesse Sérénissime
Gallatin née Vaudenet
Mon mari et ma fille prient Votre Altesse Sérénissime de recevoir leurs profond respects.