Genêve ce 7e aoust 1776
Monseigneur,
Il me paroit qu'il y a un siècle que je n'ay receu des nouvelles de Vôtre Altesse Sérénissime.
Auriez vous oublié Mon Cher Prince Une amie (que vous honoré de ce titre) qui vous est attachée si tendrement, et qui n'a pas de plus grande satisfaction dans ce monde que la Continuation de vos bontez? Ne m'en privez pas Monseigneur, je les mérites par mes sentimens, qui sont tel que vous les Connoissez, et qui seront les même pour la vie. J'ay été très mal, n'espérant plus avoir le bonheur de vous voir. Je suis actuëllement fort bien, et je reprend mes espérances, je me flate que l'année prochaine sera plus heureuse pour moi. Cela dépend de Vôtre Altesse Sérénissime.
Nôtre ami se porte très bien, il a la Comédie à Fernex trois fois la semeine, le Kain y attire un monde infini. Pour moi je n'ay pas été en état d'aller l'entendre. Ma fille qui est bien à présent y est allée hier. Je ne l'ay pas revüe étant restée en Campagne chez un ami. On dit que l'on y Conta deux cent Carosses, et qu'il y en eû plusieurs qui ne pûrent pas rentrer en Ville. Nôtre ami est Charmé de cette afluance, d'autant plus qu'une grande partie y va pour le voir. Jeudi passé il vint en ville pour parler à un avocat sur une misère qui L'inquiétoit, il pensa être étouffé de la foule qui l'entourroit pour le voir. Il se jetta dans son Carrosse, et malgré cela il fut suivit jusqu'à la porte. Cela ne deu pas lui faire de la peine; il y a Chez lui actuëllement mad. de St Jullien, c'est admirable comme il se soutien à son âge. Il espère toujours que son Prince Philosophe lui donnera encore la satisfaction de le voir une fois, il l'en suplie à deux genoüil. Il envoye ici souvent, mais je ne peus pas lui donner le plaisir de lui envoyer des nouvelles de son Altesse Sérénissime, puisque je n'en ay point moi même. Je vous Conjure Monseigneur de m'en donner, je vous en aurois la plus grande obligation. Vous êtes à Geismar, quel heureux séjour! que je le regrette! Etes vous content Monseigneur de vos spectacles? Je suis bien assurée que Mr de Luchet aura fait tout son possible pour que vous le soyez, a t'il réussi suivant vos dézirs?
Nous avons eû jusqu'à hier des chaleurs excessives, il est enfin venu un peu de pluye, qui nous fait respirer.
Vous n'avez pas voulu mon cher Prince me renvoyer les Pensées diverses sur les Princes, je vous demande en grâce de m'en renvoyer au moins un exemplaire. Pourquoi mon amour Propre pour Mon Cher Prince m'a t'il fait prêter le mien? Je vous suplie de m'en donner un autre, qui ne sortira pas de mes mains.
Son Altesse Royale est Elle bien? ne sent Elle plus ses douleurs de genoüil? Elle a eû le Plaisir de voir Madame sa soeur, reviendrast'elle à Cassel après le mariage? Pardon Monseigneur, je m'interresse à tout ce qui vous apartien. Je n'ay pas besoin mon cher Prince de vous faire un compliment sur le 14e d'aoust, vous savez que ce jour es tous ceux de toute L'année je ne cesse de faire des voeux pour vôtre santé, pour vôtre bonheur, qui m'est mille fois plus cher que le mien, vous n'en doutez pas mon très Cher Prince, de même que de toute ma tendresse. C'est avec ses sentimens qui sont invariable que je suis avec le plus profond respect
Monseigneur
de Vôtre Altesse Sérénissime
La très humble et très obéissante servante
Gallatin née Vaudenet
Mon mari et ma fille prient Votre Altesse Sérénissime de recevoirs leurs très profond respects.