1776-06-05, de Louise Suzanne Gallatin à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

 . . . Mr de Luchet ne cesse de se loüer de vos bontez.
Je crois qu'il réüssira dans la direction de vos spectacles, sur ce que j'en ay entendu dire à ses amis. Pour nous nous en avons à présent, on fait marcher tous les Régimens, il passe 4 fois la semaine sous mes fenêtres, mais en vérité les Troupes de Cassel nous ont si fort Gâtées là dessus, que nous sommes surpris du monde qui s'assemble pour les voir, qui est inoüi. Ma fille me soutint que sa chienne qu'elle a aportée de Cassel étoit si indignée de voir ses troupes, qu'elles s'ôta de la fenêtre en lui témoignant su mépris, et Elle me tenoit ses propos devant des officiers Bourgeois qui ne le trouvoit pas bons, quoi qu'il avouassent qu'ils avoient entendu dire que Les Troupes de Monseigneur Le Landgrave étoient ce qu'il y avoit de plus beau au monde; Elle ne se Genne sur rien, et on le lui passe à Cause de sa maladie. Peut-être que le lait d'annesse lui fera du bien.

La Comédie est aussi arrivée à Chatelaine. Nôtre ami a fait faire un beau Théâtre à Fernex oû les acteurs viendront deux fois la semaine. Il fait venir Le Kain et la Dumesnil, je ne sais si je les verrois. Je doute de le pouvoir à moins que les pilules de Beloste que l'on me fait prendre ne me Guerrisse. Nous avons ici vne Grande sécheresse, on ne Désire que de la pluye. Les vignes ont été gelée en partie. Je voudrois bien savoir si celles de Vôtre Altesse Sérénissime L'ont étés, et si le vigneron espère qu'elle réüssiront. Je souhaitte fort que vous ayez cette satisfaction. En vérité Monseigneur si vous ne voulez pas venir voir nôtre ami Vôtre Altesse Sérénissime devroit venir voir Fernex qui deviendras (s'il Continüe à se bien porter) une ville. Les maisons naissant d'un jour à l'autre ceux qui n'ont pas été à Fernex depuis trois mois ne le reconnoisse pas à présent. Il est trés aise de la surprise qu'on lui témoigne là dessus; quel bonheur pour lui si son Prince Philosophe pouvoit en juger par lui même! Que vous nous rendriez heureux mon Cher Prince si nous avions La satisfaction de voir Vôtre Altesse Sérénissime! Elle est bien sûre des voeux que je fais pour avoir ce bonheur, mais silence, attendons avec soumission ce que vous déciderez. L'espérance me soutien. Je vous conjure de me donner de vos nouvelles le plus souvent possible, c'est une charité, dont je vous aurois une obligation Eternelle. Ne m'oublié pas Mon Cher Prince. C'est avec les sentimens les plus tendres que je vous en suplie. Vous les connoissez trop pour en douter de même que du Profond respect avec lequel je suis

Monseigneur

de Votre Altesse Sérénissime

La très humble et trés obéissante servante

Gallatin née Vaudenet

Mon mari et ma fille sont pénétrez de vos bontez pour eux et prient vôtre Altesse Sérénissime de recevoir