Genêve ce 18e Janvier 1775
Monseigneur,
Je vous rend mille grâce de la lêttre que vôtre Altesse Sérénissime a eü la bonté de m'écrire, qui me fait d'autant plus de plaisir que vous Continüé à m'assurer de l'amitié dont vous m'onhoré.
Je suis penêtrée mon Cher Prince des marques que vous m'en donné, et certainement je ferois mon possible pour la mériter de plus en plus.
J'arrive de Fernex oû j'ay Couchez. En arrivant je trouvay nôtre ami malade, et si pâle, que je fus troublée de son Etat. Il vit mon Effroid, et me dit tout de suitte. Tranquilisé vous, c'est ma faute, cela passera. Voici ce que c'étoit; il avoit un peu trop soupé la veille. Il prend souvent de la Casse et se trouvant un peu trop chargé de nouriture il en avoit pris une double dose qui L'avoit si fort éprouvé, qu'il venoit de prendre une sueur froide au moment que j'arrivois, et qui m'avoit si fort épouventée que je tremblois de tous mon Corp qu'en je l'aperçeu dans cet Etat. Je le fis coucher tout de suitte, et la Chaleur du lit avec un bouillon clair le remis un peu, mais il fut tout le reste du jour dans une foiblesse des plus grande. Il passa une bonne nuit, et le lendemain matin il me fit prié avant que je fusse levée de passer Chez Lui. Je le trouvay trés bien, gay et me parla baucoup de son grand Prince Philosophe. Je lui dis que je n'aurois garde de vous Ecrire son Etat à mon arrivée, sachant que je Causerois une trop vive inquiétude à Vôtre Altesse Sérénissime si je vous en instruisoit. ‘Croyez vous madame que ce digne Prince y prendroit autant d'intérêt que vous me ditte?’ Sur ce que je l'en assurois, il parût touché jusqu'au Larme. ‘Dieu nous le conserve Madame, il n'y aura jamais un si grand Prince sur la terre, il a toute les Qualitez que l'on peut dézirer, vous voyez qu'il met L'amitié au dessus de tout. Quel grand homme!’
Enssuitte aprés avoir encore parlez Longtems de Vôtre Altesse Sérénissime, il dit qu'il vouloit guerrir mes genoüils, et tout de suitte il fit apporter de L'encens pour me parfumer dans sa chambre. Il me parfumoit si fort que la fumée m'étouffoit de même que Lui. Je craignois que cela ne lui fit du mal, mais il falut pour Lui faire plaisir que je me laissa parfumer encore Longtems. Enfin Cela finit, il soutint mieux que moi cette opération Car j'en pris mal à la tête, et lui fut très bien. Je voulois m'aller parfumer dans une autre chambre, il n'y eû pas moyen, parce qu'il craignoit que je ne ferois pas ce remêde comme il faut. Il voulut qu'il se fit devant Lui. Il me dit d'écrire à Vôtre Altesse Sérénissime qu'il vouloit me guerrir mais que je n'étois pas assez docile. Il me pressa baucoup de rester chez lui quelques jours, ce que j'aurois fait avec plaisir si je n'avois pas laissé mon mari un peu malade, et d'aillieurs j'attendois une réponse pour vôtre vigneron, mais je lui ay promis sollennellement d'y retourner passer quelques jours ce que je ferois dans quelques jours. Je le laissois trés bien portant, je lui ay promis de vous parler baucoup de lui, de le mêtre à vos pieds, de vous dire ses sentimens pour Vôtre Altesse Sérénissime que, dit il, ‘je ne pourrois assez exprimer'….