26e février 1777, à Ferney
J'ai reçu, Monseigneur, vôtre petit billet, qui est une espèce de Lettre de change sur Mr Marion.
Ni lui, ni l'abbé Mignot ne m'ont écrit, mais vos quatre lignes me suffisent. Plût à Dieu que M: Le Duc De Virtemberg, et Mr Le Duc De Bouillon m'en écrivissent autant! Je suis pénétré de vôtre bonne action, et de la grâce que vous y mettez. Vous ne sauriez croire quel bien vous me faittes en versant ce beaume sur mes blessures. Je trouve que ma destinée est réformée à la suitte de la vôtre. J'ai un procez bien triste tandis que vous en avez un bien éxécrable. Mais je suis toujours plus sûr du vôtre que du mien. Il me parait impossible qu'on ne vous rende pas à la fin toute la justice qu'on vous doit. L'affaire est trop criante, et la vérité en est trop palpable. Je ne crois pas qu'il y ait eu un pareil procez depuis celui de la faussaire de Robert d'Artois. On dit que parmi les épines du barrau vous avez conservé toute vôtre gaieté, comme toute la noblesse et la hauteur de vôtre âme. Je n'en suis point surpris; vous serez toujours supérieur aux autres hommes.
Conservez, je vous en suplie, vos bontés à un vieux serviteur qui vous sera attaché jusqu'à son dernier moment avec le plus tendre respect.
V.