1758-09-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

On ne sait plus que croire, et que penser madame.
Hier tout le monde avoue que les russes ont été détruits, aujourduy tout le monde avoue que les russes sont ressuscitez pour battre le roy de Prusse. La nouvelle vous sera venue de Paris de la défaitte des anglais auprès de Saint Malo. C'est du beaume sur la blessure que la perte de Louisbourg nous a faitte. Je voudrais bien en qualité de curieux et encor plus d'homme pacifique, savoir ce que c'est que cet armistice entre M. le maréchal de Contade, et Mr le prince de Brunswik. Je voudrais un armistice éternel entre les hommes.

Je vous remercie de tout mon cœur madame des petites coqueteries que vous faittes en ma faveur en Lorraine. Vous savez combien j'aimerais une terre qui me raprocherait de vous, mais mr de Fontenoy veut àprésent vendre trois cent mille livres son Champignelle qui ne raporte pas plus de six mille livres de rente. Madame de Mirepoix et madame de Bouflers veulent me vendre Craon. Mais il est substitué, et ce marché est difficile à conclure.

Puisque Colini a l'honneur de vous faire quelquefois sa cour, je vous prie instament madame de luy faire dire que je luy ay écrit deux fois par Mr Turkeim le banquier, et que j'ignore s'il a reçu mes lettres. Madame Denis vous présente ses respects, autant en fait son oncle le suisse. Il est plein de reconnaissance pour le petit mot dont vous l'avez honoré dans certaine lettre. Portez vous bien sur tout.

V.