1760-01-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame

Le paquet de ce banquier que votre altesse sérénissime protège, arriva deux heures après que je L'eus informée que je ne l'avais pas reçu.
Les affaires qu'il discute avec les créanciers de nos quartiers sont un peu épineuses: je les ay vivement recommandées au sindic de Geneve. Comment n'aurai-je pas infiniment à cœur madame les choses auxquelles elle s'intéresse. Je ne les entends point. Mais je presse comme si je les entendais. Peutêtre le sindic de Genève ne les entend il guères mieux que moy, car on dit que c'est un cahos et qu'il faudrait un dieu pour le débrouiller, mais les dieux ne se mêlent pas des affaires des banquiers. Puissent ils finir bientôt madame les déplorables affaires de L'Europe! c'est là qu'est le vray cahos. Les quatre éléments se combattent, et sont confondus ensemble. Quel Jupiter les remettra chacun à sa place?

Je crois qu'Arminius est le nom de batême du prince héréditaire de Brunswik. Homère dit quelque part, il fit trois pas, et au troisième il fut au bout du monde. C'est bien aller. M. le prince de Brunswik voyage à peu près dans ce goust.

Hélas quand pourai-je moy chétif faire cent mille pas pour me faire introduire à vos pieds madame, par la grande maitresse des cœurs, pour renouveller à votre altesse sérénissime le respect le plus profond et le plus tendre, ainsi qu'à votre auguste maison?

V.