1756-06-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

Il y a donc des malheurs aussi pour votre altesse sérénissime! et il faut que les vertus les plus nobles et les plus pures éprouvent comme les autres le sort de l'humanité! Votre résignation à la providence, madame, est bien exercée dans la perte d'un fils aîné.
Mais aussi ces mêmes vertus qui sont éprouvées dans la douleur de cette perte sont récompensées par les princes qui vous restent. Vous voiez madame votre consolation devant vos yeux en voiant votre perte. Votre A. se doit pour surcroit d'affliction être accablée de lettres. Je luy demande pardon d'augmenter le nombre de ceux qui l'affligent en la voulant consoler. Mais comment pourai-je ne pas écouter mon attachement et ma douleur. Il est impossible à mon cœur de retenir ses mouvements.

J'ose me joindre icy à la grande maitresse des cœurs, à tout ce qui vous entoure madame pour pleurer à vos pieds et à ceux de Monseigneur le duc mais aussi je me joints à eux pour voir dans les princes vos enfans que Dieu conserve les plus grandes et les plus chères espérances comme la meilleure éducation.

Quand pourai-je madame venir partager tous ces sentiments, admirer les vôtres, jouir de vos bontez et renouveller à votre A. se, à Monseigneur, à toutte votre auguste maison, tous mes vœux avec mon tendre et profond respect.

V.