aux Délices près de Geneve 14 xbre [1756]
Madame,
J'eus hier l'honneur d'écrire à votre altesse sérénissime par un anglais nommé Mr Keat, qui se propose de voir en Allemagne ce qu'il y a de plus digne d'un être pensant, et par conséquent, de vous faire sa cour.
Mais ne sachant pas trop quand il partira, je ne veux pas laisser arriver l'année 1757 sans renouveller à votre altesse sérénissime, à Monseigneur Le duc et à toutte votre auguste maison les respectueux sentiments qui m'attachent pour jamais à elle. Je me flatte que les princes vos enfans vous donneront toujours de plus en plus madame des sujets de consolation et de joye. Puisse la grande maîtresse des cœurs jouir d'une santé qui tienne de l'égalité de son âme. La vôtre madame aura peutêtre de quoy s'exercer au milieu des orages qui semblent prêts à fondre de tous côtéz dans le voisinage de ses états. Je me flatte qu'elle n'aura à faire usage que de son humanité et de sa compassion pour ses voisins, et que ses propres états seront à l'abri. C'est tout ce que peut dire un solitaire qui voit de loin touttes ces tempêtes. La Saxe parait bien malheureuse, mais aussi la partie que V. A. Se gouverne parait jusqu'à présent bien fortunée. C'est à quoy je m'intéresse le plus. Mais de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d'un hermite inutile? Il n'y a que votre bonté qui puisse leur en donner. Conservez cette bonté madame à un serviteur attaché à votre alt. Se avec le plus profond respect.
V.