au châtau de Tourney par Geneve 22 octb
Madame
J'ay reçu l'honneur de votre lettre et le billet que votre altesse sérénissime avait eu la bonté d'insérer dans son paquet. La personne à qui vous aviez bien voulu faire parvenir ce que j'avais pris la liberté de vous adresser prétend qu'elle n'a point reçu un assez gros paquet envoyé directement à elle deux jours auparavant par une voye qui jusques là avait toujours été sûre. V. A. Se permet que je m'adresse doresnavant à elle. Je ne pourai peutêtre de longtemps répondre au petit billet sans adresse. Il faudra je crois attendre la fin de la campagne. Les esprits me paraissent bien aigris de tous les côtez. Je vois les malheurs du genre humain augmenter sans qu'ils produisent le bien de personne. L'Angleterre nous bat. Mais elle se ruine. Le prince de Brunswik nous bat aussi, mais la Hesse est dans un état déplorable; les Russes ont battu le roy de Prusse mais ils n'ont pas de quoy subsister. Le roy de Prusse se soutient. Mais tous ses états souffrent. L'Autriche s'épuise, la France est accablée d'impôts malheureusement nécessaires. La Saxe est aussi désolée que du temps de la bataille de Mulberg et plus que du temps de Charles douze. Puisse toujours la paix, la tranquillité, l'abondance régner dans le beau châtau d'Ernest que je voudrais revoir avant de mourir. Je crains toujours que les éclaboussures ne viennent dans vos états. Mais votre sagesse écarte tous les orages. Je me mets aux pieds de vos altesses ses avec le plus profond respect et un attachement éternel.
V.