1776-03-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Conseil de régence de Montbéliard.

Messieurs,

Je suis obligé de vous donner avis que j'ai informé Son Altesse sérénissime, de la dernière proposition que je vous ai faitte, de me paier vingt et un mille cent trente et une Livres, par quartier, à commencer au premier Juin prochain, pendant une année, afin de ne vous point gêner et de vous donner tout le tems de remplir vos promesses.
J'ai poussé encor plus loin ma discrétion en écrivant à Monseigneur, et en lui représentant le triste état où je me vois réduit; Je lui ai mandé que je me contenterais cette année du paiement de deux quartiers.

J'ai fait en conséquence deux Lettres de change de vingt et un mille cent trente et une Livres chacune, aux entrepreneurs de ma colonie.

Ni Monseigneur, ni vous, Messieurs, ne voudrez pas me laisser à découvert pour une si légère somme, et m'exposer aux suittes funestes des Lettres de change protestées. Je ne doute pas que Monseigneur ne vous fasse fournir, ou que vous ne trouviez par vous même ce peu d'argent qui poura apaiser mes créanciers, et me tirer du plus grand embaras où je me sois jamais trouvé.

Vous savez que je n'ai prêté cet argent à S: A: S: que pour lui marquer mon respect et mon dévouement et pour empêcher Mr Jeanmaire de faire à Genêve un marché très onéreux. Je me flatte que vous ferez tous vos efforts pour satisfaire à une demande si juste et si modérée, comme j'ai fait tous les miens pour servir Monseigneur et vous. Je reste d'ailleurs dans tous mes droits, et je vous suplie de me faire la réponse la plus prompte. La situation violente où vous me mettez éxige de vôtre part cette attention qui poura réparer mon malheur.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Messieurs

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire