1773-12-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Conseil de régence de Montbéliard.

Messieurs,

Aiant eu l’honneur de vous écrire que je sacrifierais avec grand plaisir mes intérêts et mes besoins les plus pressants à mon respectueux attachement pour son Altesse sérénissime, et à l’envie de vous plaire, je vous marquai en même temps qu’il ne m’était plus possible à mon âge de quatre vingt ans de négocier des Lettres de change.

Le sr Meiner m’en envoie dix par le dernier ordinaire pour le paiement de l’ancien quartier échu le dernier septembre, de huit mille cinq cent trente et une livres cinq sous.

De ces Lettres de change il y en a quelques unes sur des villes de Suisse avec lesquelles on n’a aucun commerce. Souvent on renvoie ces Lettres, souvent aussi on demande beaucoup de temps pour les paier; et quand on les négocie à Genêve il en coûte beaucoup tant pour le change que pour la conversion de l’argent courange de Genêve en argent de France.

Je vous ai supliés, Messieurs, et je vous suplie encor, de m’épargner ces pertes, et l’extrême désagrément de ces détails.

Monseigneur Le Duc De Virtemberg a eu la bonté de s’engager à me faire paier chez moi en espèces. Permettez moi de réclamer ses promesses et les vôtres, et de remettre entre vos mains les Lettres de change du sr Meiner. Il lui sera bien plus aisé qu’à moi de se faire paier de ces lettres de change. Les négociants ont des facilités que je ne puis avoir. Je serais fâché de vous jetter dans le moindre enbaras, mais je vous suplie de me tirer de celui où je suis.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois

Messieurs

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire