10e juillet 1775
Je vous ai rendu compte, mon cher ange, le sept de ce mois, des lettres que j'avais adressées à mr de la Reigniere pour vous et pour mr le maréchal de Duras.
Je vous ai dit et je vous redis, combien j'ai été affligé que ces lettres ne vous soient pas parvenues.
Je vous ai de plus envoyé des filles de Minée par le même mr de la Reigniere, et je vous adresse aujourd'hui par la même voie, un mémoire assez intéressant, qui m'est tombé entre les mains, et qui ne me paraît pas fait pour tout le monde.
Vous saurez que le roi de Prusse appelle l'auteur de ce mémoire auprès de sa personne, qu'il le nomme son ingénieur, le fait capitaine, et assure sa fortune. Il a accompagné ces grâces singulières d'une lettre également tendre et philosophique, dans laquelle il se propose de réparer par l'humanité toutes les horreurs du fanatisme.
Il faut vous dire qu'il répare aussi tous les jours par de petites attentions flatteuses le moment de mauvaise humeur qu'il eut autrefois avec moi.
Vous conclurez de tout ce que je vous dis, que mon jeune homme ne doit, ni ne peut chercher ailleurs sa justification et son bien-être. Sa requête est la première qu'on ait jamais présentée pour ne rien demander du tout. Elle n'est faite que pour inspirer l'horreur de la persécution, et pour fortifier les bons sentiments des esprits raisonnables.
J'ai vu des gens qu'on croyait peu sensibles, s'attendrir à cette lecture,
L'homme en question n'envoie qu'à mr Turgot une de ces requêtes. Il ne sait s'il doit en faire présenter à m. le comte de Maurepas, et à mr de Miroménil. Ne montrez la vôtre à personne, surtout, si vous jugez qu'il y ait quelques mots qui puissent déplaire. Nous attendons votre jugement avec impatience.
Je vous embrasse de mes faibles bras, mon cher ange, avec plus de tendresse et plus de confiance en vos bontés que jamais.
V.