29e avril 1775, à Ferney
Messieurs,
Je vous ai supliés de vouloir bien m'instruire du tems où je serais paié des quatre vingt mille livres qui me sont dues, et dont S: A: S: a daigné en dernier lieu me promettre le remboursement.
Je vous réitère ma très instante prière de me dire positivement dans quelles époques, et de quelle manière vous comptez remplir vos engagements, afin que je prenne de justes mesures avec mes créanciers qui me pressent de tous côtés. Je ne puis leur faire mes promesses que pour le tems préfix où vous pourez me paier vous mêmes. Mais n'aiant point reçu de vos nouvelles je me trouve dans le plus grand embarras, et je ne sais que répondre à ceux qui éxigent de l'argent ou des billets.
Si vous avez la bonté de me donner ces paroles sûres, je me conduirai en conséquence. Je perdrai à la vérité, l'intérêt d'une année; mais j'y gagnerai la certitude de me voir sans dette et d'être tiré de l'abîme où je suis. Vous pensez trop nôblement, et vous êtes trop équitables pour ne pas répondre à ma juste prière. J'attends vos ordres avec une impatience bien pardonnable.
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois
Messieurs
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire