1774-06-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

Quoi que l'envie soit une très vilaine passion, j'avoue cependant qu'elle me domine quand je vois que Madame et Mademoiselle Galatin, avec Mr Mallet, sont assez heureuses pour venir faire leur cour à Vôtre Altesse Sérénissime.
Mais aussi j'avoue que cette compagnie mérite bien le bonheur dont elle va jouïr. Je ne puis même me vanter de vous être plus attaché que ces heureux voiageurs; je les égale en ce point, et en vérité c'est tout ce qu'on peut faire; il est impossible d'aller plus loin.

J'ai été extrêmement touché d'aprendre que vôtre santé était un peu dérangée. S'il était possible qu'à mon âge j'eusse cette santé si nécessaire aux particuliers comme aux princes, je vous aurais demandé, Monseigneur, la permission d'accompagner Madame Galatin, et de venir me mettre à vos pieds. Mais l'état où je suis ne me permet que cette passion de l'envie, de vains désirs et des regrets.

Agréez les vœux que je fais pour vôtre conservation et pour vôtre félicité inaltérable.

Je suis avec le plus profond respect

Monseigneur

De Vôtre Altesse sérénissime

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire