1772-09-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel.

Monseigneur,

Madame Galatin m’a fait voir la Lettre où Vôtre Altesse Sérénissime montre toute sa sagesse, sa bonté et son goût en parlant d’un jeune homme dont la raison est un peu égarée.
Je vois que dans cette Lettre elle m’accorde un bienfait très signalé qu’on doit rarement attendre des princes, et même des médecins. Elle me donne un brevet de trois ans de vie, car il faut trois ans pour faire venir ces belles asperges dont vous me gratifiez.

Agréez, Monseigneur, mes très humbles remerciements. J’ose espérer de vous les renouveller dans trois années; car enfin il faut bien que je me nourisse d’espérance avant que de l’être de vos asperges. Que ne puis-je être en état de venir vous demander la permission de manger celles de vos jardins?

La belle révolution de Suede opérée avec tant de fermeté et de prudence par le Roi Vôtre parent, donne envie de vivre. Ce Prince est comme vous, il se fait aimer de ses sujets. C’est assurément de toutes les ambitions la plus belle, tout le reste à je ne sais quoi de chimérique et souvent de trés funeste.

Je souhaitte à Vôtre Altesse sérénissime de longues années; c’est le seul souhait que je puisse faire, vous avez tout le reste.

Je suis avec le plus profond respect

Monseigneur

De Vôtre Altesse sérénissime

Le trés humble et très obéissant serviteur

Le vieux malade de Ferney Voltaire